Derrière ses airs de vacances, Michel Franco (New Order) trouble en narrant la fugue d’un homme pour qui plus rien n’a d’importance, pas même un deuil familial…
Avis aux gens qui n’aiment pas l’été : la virée nihiliste estivale vous est offerte par Michel Franco dans un summer movie au teint blafard que désavoueraient les agences de voyage. La réputation de moraliste tortionnaire que s’est forgé le Mexicain ces dix dernières années (Chronic, Les Filles d’Avril…) ne sera pas complètement démentie par Sundown. Mais ce tableau du néant existentiel de l’individu occidental, porté par son acteur-muse Tim Roth, actionne des états de dissociations étranges. Le trait a beau être rêche, la méchanceté du film ne s’éprouve pas comme un jeu de massacre cinglant, mais comme une leçon de vide, une sereine indifférence aux choses.
Nous sommes à Acapulco, paradis mou qui concentre l’hédonisme des touristes internationaux et la violence latente d’une ville de grande pauvreté. Au début, une famille d’Anglais nantis bulle dans la piscine à débordement d’un palace, où un homme se laisse dériver sans plaisir. On suppose, mais peut-être à tort, qu’il s’agit de l’époux de la femme d’affaires jouée par Charlotte Gainsbourg et le père des deux adolescents qui l’accompagnent. Michel Franco doit avoir lu L’Étranger d’Albert Camus pour restituer une telle atmosphère d’indolence et de détachement morbide. Lorsqu’un coup de téléphone nous apprend que « maman est morte », cela ne veut toujours rien dire. Mais il faut plier bagage et rentrer à Londres au plus vite. Se dérobant aux responsabilités afférentes au décès (obsèques, soutien moral pour les proches éplorés), Neil prétexte un oubli de passeport pour planter les siens à l’aéroport, coupe son portable et prolonge son séjour au Mexique indéfiniment, en solo dans une pension low-cost.Le sens moral imposerait de trouver cette combine ignoble.
L’inconscient, néanmoins, finit par envier coupablement l’aplomb du déserteur. Et c’est dans ce malaise fasciné que Sundown rencontre mystérieusement son sujet, là où un autre film aurait transformé cette fugue en voyage initiatique. L’introversion complète de l’intrigue, de l’ordre de l’anesthésie, la tension de l’absurde, l’oisiveté stérile dans laquelle Neil s’oublie aux bras d’une Mexicaine qui s’éprend de lui, tout cela se mêle à la sensation d’un effondrement du monde au ralenti…