Une plongée dans l’horreur de la guerre en Syrie, audacieuse et forte, qui évoque le radicalisme d’un jeune Belge d’origine marocaine et les conséquences sur sa famille. Une tragédie musicale sensible en forme de cri du coeur adressé, en priorité, aux jeunes générations
Kamal décide de se rendre en Syrie afin de venir en aide aux victimes de la guerre. Mais à son arrivée, il est forcé de rejoindre un groupe armé et se retrouve bloqué à Raqqa. Son jeune frère Nassim, qui rêve de le rejoindre, devient une proie facile pour les recruteurs du djihad. Leïla, leur mère, tente alors de protéger son plus jeune fils... Réalisateurs de polars urbains à haute influence américaine (Image, Black), Adil El Arbi et Bilall Fallah transposent leur sens efficace et stylisé de la mise en scène dans l’univers du film de guerre et signent clairement leur film le plus personnel et poétique à ce jour.
Les séquences de combat de rue sont époustouflantes de réalisme (certaines sont très violentes dans leur approche frontale) et rappellent toute l’horreur de n’importe quel conflit armé. Elles dégagent une sensation d’étouffement et d’effroi permanents qui les rapprochent souvent plus d’un documentaire brut et immersif que d’un thriller américain léché qui n’a rien à dire. Les réalisateurs apportent de surcroit une touche toute personnelle et originale, totalement inattendue et miraculeuse : dans la tradition des comédies musicales, les réalisateurs incrustent des séquences chantées et dansées en hip hop entre les chapitres. Ce qui pouvait sembler risqué dans un décor d’apocalypse comme celui-là s’avère une vraie réussite artistique, tout en cohérence, qui évoque aussi l’esprit des Mille et Une Nuits. Soutenus par de belles chorégraphies aux mouvements fluides, les textes et la musique portent en eux cette intensité qui fait écho au drame en cours et qui leur donne toute légitimité. On reste bouche bée face au culot des réalisateurs dont le geste n’avait vraiment rien de gratuit. Leur démarche très contrôlée, narrativement et esthétiquement, ne fait jamais d’ombre aux trois personnages principaux qui existent pleinement et qu’ils accompagnent dans leur parcours tragique, avec le regard bienveillant d’artistes responsables.
Les réalisateurs expriment aussi, sans jamais être pédagogiques, car toujours focalisés sur le mouvement de la fiction, un discours sans ambiguïté sur les dangers de la propagande de l’État islamique, surtout auprès de la jeunesse, cible privilégiée. Rebel est un film engagé, politique, une pure œuvre de cinéma que l’on doit à de jeunes réalisateurs belges sensibles aux dérives du monde et qui sentent le besoin vital d’exprimer leur colère et leur angoisse. Une œuvre qui est jusqu’au-boutiste, parfois choquante, mais toujours émouvante et sincère.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux
