Jérôme Salle (Largo Winch) s’inspire d’une histoire vraie pour ce thriller haletant et redoutablement efficace dans lequel Gilles Lellouche incarne un homme ordinaire qui se retrouve au cœur d’un complot fomenté par les services secrets russes
Russie, 2017. Mathieu Roussel est arêté et incarcéré sous les yeux de sa fille. Expatrié français, il est victime d’un « kompromat », soit l’utilisation de faux documents compromettants utilisés par les services secrets russes pour nuire à un ennemi de l’État. Menacé d’une peine de prison à vie, il ne lui reste qu’une option : s’évader et rejoindre la France par ses propres moyens…
Jérôme Salle s’inspire des thrillers paranoïaques et politiques américains des années septante qui marient sens du divertissement (le film de genre) et réflexion sur les parts sombres de la société. On pense aussi inévitablement à l’univers des séries policières, en particulier à la dernière saison du Bureau des légendes qui se déroule en Russie et dont un des comédiens (Aleksey Gorbunov) se retrouve au casting de Kompromat. Très organique, portée par une intrigue aux contours machiavéliques et d’une redoutable crédibilité vu sa dimension actuelle (la Russie, si vous voyez ce que l’on veut dire…), la mise en scène joue à fond la carte de l’action sans trop gonfler les muscles non plus. Le spectaculaire se lie à l’intime afin que l’on ressente toujours de l’émotion pour le héros (impeccablement incarné par Gilles Lellouche qui lui donne beaucoup d’humanité et de complexité), tout en gardant, comme lui, les nerfs à vif, car la tension ne retombe jamais.
Jérôme Salle filme Mathieu Roussel souvent de très près et fait ressurgir sa détresse et sa fragilité pour s’éloigner, fort heureusement, du cliché tout en virilité du beau gosse indestructible. La trajectoire de ce personnage peut aussi renvoyer à celle d’un héros de jeu vidéo qui, séquence après séquence (pour ne pas dire niveau après niveau), est condamné à trouver la parade pour échapper à sa propre destruction. Vivre ou mourir, telle est la destinée de cet homme ordinaire happé par la violence du monde et livré à lui-même… ou presque, et c’est là que l’éclaircie surgira peut-être, comme le gain d’un point de survie et la possibilité d’une victoire finale.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux