Signé F.W. Murnau (Le Dernier des hommes, Nosferatu), ce film d’amour muet d’une brillante sophistication est l’un des sommets absolus de l’Histoire du cinéma
Dans un village de pêcheurs de la campagne américaine, un homme simple marié à une femme douce et aimante, père d’un enfant, est intensément attiré par une femme de la ville au charme vénéneux venue visiter l’endroit. Celle-ci s’est attardée plusieurs jours dans la région où elle peine à tromper l’ennui avant de jeter son dévolu sur ce pauvre paysan qui luttera pour résister à ses pulsions… L’Aurore regorge de trouvailles formelles incroyables, jamais gratuites car reposant toujours sur une idée ou une émotion. Ce qui frappe, d’une façon générale, c’est la façon dont l’expressionnisme avec ses clairs-obscurs, son découpage spatial tranchant et ses profondeurs de champ accentuées se mêle avec une imposante fluidité à l’avant-garde européenne et au meilleur du classicisme américain de l’époque. Ensuite, la science du mouvement continu de Murnau trouve ici un terrain d’expression parfait (avec, entre autres, des plans-séquences spectaculaires et singuliers pour l’époque) pour donner au récit un élan vital irrépressible. Enfin, contrairement à ses très nombreux collègues attachés au travail en studio, le cinéaste, malgré son ambition de tout contrôler jusqu’au moindre détail, était aussi connu pour apprécier les tournages en extérieurs. Il sait à merveille utiliser ici les éléments naturels pour appuyer la destinée universelle de ses deux « héros ». Cette symphonie visuelle de tous les instants aboutit à un conte métaphysique dont l’apparente naïveté ne laissera finalement aucune prise aux plus cyniques d’entre nous.