Avec Tori et Lokita, récompensé au dernier Festival de Cannes par le prix spécial de la 75e édition, les frères Dardenne démontrent une fois de plus la force de leur cinéma, qui mêle la précision de leur scénario à leur profond engagement humaniste. La beauté d’un discours qui va à l’essentiel pour mieux nous raconter les dérives du monde actuel
Tori, jeune garçon originaire du Bénin, a rencontré Lokita, adolescente camerounaise, sur l’embarcation clandestine qui les menait en Sicile. De l’Italie à la Belgique, ils ont choisi de s’épauler coûte que coûte dans cette quête d’une vie meilleure qui ne peut passer que par l’obtention d’un titre de séjour valide, précieux sésame rarement délivré et difficilement accessible dans le dédale administratif de nos politiques d’accueil. Tori a obtenu ses papiers, mais pas Lokita. Alors, en attendant la régularisation de sa situation, ils trouvent de quoi subvenir à leurs besoins… Mais où et vers qui se tourner quand le système tend à tout prix à nous effacer, si ce n’est vers l’économie souterraine, le monde interlope qui fait encore moins de cas de leurs personnes et de l’affection qui les lie ?
Tori et Lokita opposent à l’austérité de nos institutions, à la violence de la pègre, au cynisme généralisé de notre humanité vacillante, leur indéfectible dans un film qui cherche à rendre visible les brèches où s’engouffrent malgré elles les personnes en exil, uniques remparts à leur détresse, mais aussi terrible étau à leur liberté.
Tori et Lokita sera assurément le film-événement de notre journal de rentrée !
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux