En portant à l’écran le roman éponyme de Graham Swift, la réalisatrice française Eva Husson (Les Filles du soleil) emmène le spectateur dans l’élégance soignée de la campagne anglaise, au mitan des années 1920, et parvient à transformer ce roman classique en un récit tragique et terriblement sensuel
1924, Beechwood en Angleterre. Jane Fairchild (Odessa Young) est la bonne d’une famille d’aristocrates, les Niven (Colin Firth et Olivia Colman). À l’occasion de la fête des mères, ses patrons lui accordent une journée de repos. Jane profite de l’occasion pour retrouver son amant, Paul. Ce dernier est le fils des voisins des Niven et est fiancé à une jeune femme appartenant à la même classe sociale. Les Niven, qui ont perdu leur fils lors de la Première Guerre mondiale, se réjouissent du futur mariage de Paul presque comme si celui-ci était leur propre enfant.
Oubliez les codes habituels du cinéma britannique ! Certes, nous sommes dans un film d’époque avec les costumes et les décors idoines, mais, en s’appuyant sur l’audacieux scénario d’Alice Birch (Lady MacBeth), Eva Husson dépoussière le genre : si son statut d’orpheline oblige Jane à servir les nobles, à faire leur lessive et à changer leurs draps, elle n’en rêve pas moins de devenir romancière et de s’émanciper de sa condition de bonne à tout faire. De la même façon, elle ose aimer un homme qui n’appartient pas à son monde et à se donner à lui sans pudeur.
Filmer la nudité et le sexe n’est pas toujours aisé, mais Husson y parvient parfaitement. Odessa Young et Josh O’Connor livrent tous deux une performance naturelle, montrant l’amour à travers le physique et les émotions.
Malgré la différence de classe sociale, Jane et Paul s’aiment librement, profitant de ce rare dimanche de liberté et d’intimité durant lequel ils peuvent faire l’amour ou se balader nus sans crainte de représailles. Cette très belle scène d’amour sur fond de coucher de soleil flamboyant marque un véritable tournant dans le film qui va alors, à travers un montage alterné, nous emmener d’une époque à une autre au gré du destin du personnage principal. Tragique par son sujet, contemporain par sa forme, Mothering Sunday étonne autant qu’il séduit. Cette histoire sensible nous parle simplement de la vie et du désespoir, sujets intemporels et universels s’il en est…
LAURENCE HOTTART, les Grignoux