Le documentaire intime et radical de Marco Bellocchio donne la parole à sa famille pour exorciser le suicide de son jumeau, révélant aussi les obsessions typiques de l’Italie et celles que le cinéaste a fait siennes dans son œuvre
Camillo est décédé en 1968. Près de cinquante ans plus tard, Marco rassemble toute sa famille pour un déjeuner. Avec elle, il s’interroge sur Camillo, son jumeau disparu à l’âge de 29 ans. Y participent les frères, les petits-enfants, la sœur de la petite amie de l’époque, un psychiatre, un prêtre. En parlant avec chacun d’eux, en se remémorant ces années et ces faits, Marco reconstitue les morceaux du passé, donnant enfin corps à un fantôme qu’il a côtoyé toute sa vie.
À 81 ans, il refait le portrait de sa famille dans un film qui s’avère être l’ultime volet de sa subversive trilogie autobiographique. Marx Can Wait continue et éclaire, en les citant directement à l’écran, Les Poings dans les poches (1965), Les Yeux, la bouche (1982) et Le Sourire de ma mère (2002). S’il y revient toutes les deux décennies, c’est que le petit théâtre tragique des origines semble garder un infini de dimensions à explorer : non seulement la culpabilité des survivants, qu’on peut toujours s’avouer sans jamais l’absoudre, mais surtout l’essence de ce qu’est la famille, son immense, innocente, souvent involontaire violence, ses situations et ses relations plus folles les unes que les autres.