Ce film noir, existentiel et stylisé se déploie tel un songe entêtant pour nous raconter les relations père-fils et le destin d’hommes blessés dans une Bruxelles urbaine particulièrement graphique
Leo Castaneda est espagnol, il vit à Bruxelles, où il conduit les métros de la ligne 6. Un soir, il croise le regard d’un jeune homme au bord du quai. Des yeux fiévreux de détresse, un visage familier... Leo reconnaît son fils Hugo, lorsque celui-ci disparait tragiquement sur les rails. Leo, qui ne l’avait pas revu depuis plus de deux ans, va découvrir qu’Hugo était impliqué dans un braquage sanglant. Il va devoir affronter de violents criminels pour tenter de comprendre les raisons de la mort de son fils.
"Le personnage de Leo Castanada est un miroir de ma propre situation : il est en exil, ce que j’ai vécu avec mes parents. Il est sûrement lié à la figure de mon père qui a été abîmé par le coup d’état au Chili, puis a reconstruit sa vie en Europe. Dans un film noir, il faut des personnages très incarnés. Ici, ils sont aussi assez silencieux. Un acteur charismatique ne suffit pas, il faut qu’il porte une histoire, quelque chose à raconter. J’ai beaucoup échangé avec Antonio De La Torre et Marine Vacth sur ce qui habite leurs personnages. Le polar est plus intéressant quand les personnages ne sont pas seulement des stéréotypes de flics et de gangsters. J’ai essayé de faire en sorte qu’ils ne soient pas réduits à une fonction, mais qu’ils aient quelque chose à défendre (…). Je ne montre pas des super-héros. Mes personnages sont des hommes fragiles, ils ne jouent pas les matamores, ils ne sortent pas les flingues facilement, ils ne posent pas devant la caméra. Dans les romans de David Goodis, les personnages ne peuvent pas survivre aux conditions dans lesquelles les place l’écrivain. J’aime beaucoup ce type d’univers où les personnages ont mal au crâne, où l’on cherche des respirations (…). J’adore Bruxelles. Je crois que c’est la première fois qu’on filme l’Atomium, un monument que les Belges n’osent pas filmer parce qu’il leur paraît très laid. Il semble sorti de nulle part, il est posé là, entouré de parkings... Bruxelles est très cinématographique, très porteuse d’énergie de cinéma. C’est une ville très « anglo-saxonne », avec des immeubles en briques, des quartiers abandonnés, d’autres refaits, c’est mal foutu, il y a des chantiers partout, ça donne une esthétique urbaine très particulière qui fait aussi penser à Berlin, avec ses friches industrielles et ses no man’s land. C’est une ville très graphique. Je voulais une image très travaillée qui rappelle tout le temps qu’on est au cinéma, dans un genre qui est le polar."
GIORDANO GEDERLINI, réalisateur