Le cinéma aime par-dessus tout s’emparer d’histoires vraies pour les porter sur le grand écran. The Duke fait partie de ces récits incroyables dont on dirait qu’ils ont été faits uniquement pour le bonheur des cinéphiles. Drôle et efficace, le nouveau film de Roger Michell (Coup de foudre à Notting Hill) emmène le spectateur dans une aventure rocambolesque et so british !
Nous sommes en 1961, à Newcastle. Kempton Bunton mène une vie modeste avec sa femme et son plus jeune fils. Kempton a beaucoup de mal à garder un emploi : trop bavard, trop altruiste, trop contestataire. À force de ne jamais garder sa langue en poche, il finit toujours par se faire virer. De toute façon, il préfère passer ses journées à écrire des pièces de théâtre – qu’il envoie inlassablement à la BBC, même s’il accuse des refus systématiques – ou à mener campagne pour les plus démunis. Un de ses combats concerne l’annulation de la redevance télévision pour les personnes âgées et les vétérans de guerre. Cette taxe, impayable pour beaucoup, prive selon lui une partie de la population du divertissement apporté par la petite lucarne et la maintient dans l’isolement.
C’est alors que les choses s’emballent. Depuis plusieurs jours, la presse relaie à grands coups de manchettes et de reportages télé l’achat par la National Gallery du portrait du Duc de Wellington, peint par Goya. Une transaction qui a coûté 140 000 £ au gouvernement et qui, selon notre contestataire, aurait pu profiter à bien des familles si elle avait été utilisée autrement. Et Kempton de parvenir à se procurer le tableau au célèbre musée… et d’envoyer une demande de rançon au gouvernement, menaçant de ne rendre l’œuvre que si celui-ci accepte de rendre l’accès à la télévision gratuit pour les plus démunis !
Voici une comédie sociale comme seul le cinéma britannique peut en proposer. On est charmé par cette histoire car, au-delà de sa drôlerie, elle met en exergue le combat social de Kempton, mais aussi différents enjeux familiaux. La relation entre Kempton et son épouse Dorothy est houleuse. Elle en a marre d’être la seule à faire bouillir la marmite, le harcèle pour qu’il trouve un vrai travail, lui met la pression constamment pour arrêter son militantisme à deux sous. Il y a aussi le climat de l’époque : nous sommes au début des années 1960, à un moment où l’ancien et le nouveau monde se croisent au coin de la rue dans bien des détails. Le cinéaste a d’ailleurs inséré quelques images d’archives qui donnent au film un petit grain nostalgique.
The Duke est porté par des acteurs de renom. Helen Mirren et Jim Broadbent sont irréprochables en figurant ce couple de sexagénaires dont le mari est désormais recherché par toute la police du pays, persuadée que ce crime épouvantable est l’œuvre d’une bande organisée. Dans le rôle principal, Jim Broadbent dispose de ce côté malicieux et loufoque parfaitement adorable qui fait qu’il suscite instantanément l’adhésion du public et son empathie. À ses côtés, Helen Mirren est tout aussi fantastique dans le rôle de Dorothy, l’épouse désabusée de Kempton. Elle est l’atout rationnel du film et Dieu sait qu’il en faut pour compenser les frasques de son mari.
LAURENCE HOTTART, les Grignoux