I am Chance est un instantané de Kinshasa, mégapole d’une Afrique colorée, pop et artistique, à travers le quotidien mouvementé d’un groupe de jeunes filles. Après Kinshasa Kids, Marc-Henri Wajnberg signe un nouveau documentaire essentiel, à la générosité et l’énergie communicatives
La vie dans la rue est pleine de paradoxes et ces jeunes filles sont tour à tour intempestives, sages, innocentes, délurées, astucieuses, impertinentes et, surtout, libres. Chancelvie et ses amies affrontent le monde et ses difficultés avec sourire et résilience. Elles volent mais se partagent le butin, font des passes mais aussi de l’art.
Après Kinshasa Kids, Marc-Henri Wajnberg filme à nouveau la capitale congolaise, qui est l’autre personnage du film et dont les mille voix rythmées forment en quelque sorte un chœur avec celles des filles. Il le fait sans filtre ni pose, avec ce sens du réalisme et ce regard plein d’humanité qui rendent son nouveau film passionnant et nécessaire, si l’on veut comprendre ce qui se passe réellement là-bas pour cette jeunesse livrée à elle-même (35 000 enfants survivent dans les rues de la capitale).
Mis en scène de façon très musicale, sans temps morts, le film semble se construire sous nos yeux comme par magie, comme si nous étions littéralement embarqués dans la vie des personnages, à leurs côtés. Le talent du cinéaste est de s’approcher au plus près de la beauté et de la souffrance de ces jeunes filles, sans leur faire de l’ombre, sans s’imposer dans le plan, sans voyeurisme, dans une forme de respect et d’empathie permanente. Ces moments du quotidien forcément désordonnés, vu que tout ici ne tient qu’à un fil, semblent ne jamais échapper à la caméra, si proche et attentive. Le cinéaste arrive à utiliser toutes ces séquences pour construire un récit qui garde l’équilibre, traduisant ce qui se vit d’intense pour les personnages dont chaque moment de la journée s’apparente à une grande aventure pleine de risques. Des jeunes filles combattantes, jamais vraiment désespérées qui, comme de nombreux artistes des rues, trouvent refuge dans l’imaginaire. Cela ouvre le champ à des séquences poétiques incroyables où des personnages déguisés en robot (à partir de déchets en plastique trouvés en rue et dans la mer) font la manche, au milieu des voitures, comme provenant d’un autre monde...
Cinéaste du cœur à la démarche artistique engagée, Marc-Henri Wajnberg pose la plus belle lumière qui soit sur des protagonistes dont l’énergie et la force sont inspirantes, malgré les difficultés terribles qu’elles rencontrent dans leur vie et que le film, si respectueux, n’édulcore jamais.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux