Étienne Comar, le réalisateur de Django (biopic sur le chanteur Django Reinhardt avec Reda Kateb), poursuit dans la veine musicale. Il explore ici la puissance sociale et la force libératrice de la musique à travers l’histoire d’une rencontre inattendue, celle d’un professeur de chant et de six détenues…
Luc (Alex Lutz) est un chanteur lyrique renommé. En pleine crise personnelle, il accepte d’animer un atelier de chant dans un centre de détention pour femmes. Il se trouve vite confronté aux tempéraments difficiles des détenues. Entre bonne conscience et quête personnelle, Luc va alors tenter d’offrir à ces femmes un semblant de liberté…
« On n’est pas à l’opéra ici ! (…) La plupart d’entre elles sont là pour des crimes de sang, meurtres familiaux, affaires de drogue, agressions et quelques cas de démence aussi ». C’est avec ces quelques mots que Luc Jardon est accueilli dans le centre pénitentiaire où il s’apprête à animer un atelier musical. Il n’a jamais mis les pieds dans une prison et découvre, stupéfait, une réalité dont il n’a que peu conscience. Face à lui, six détenues, six fortes personnalités aux parcours de vie différents, mais que l’on devine semés de violences, loin de tout ce qu’il a pu connaître. Entre elles et lui, il va s’agir de s’appréhender, d’accepter les différences respectives, avec pour humble ambition de trouver une voix commune, parvenir à créer l’harmonie.
Le schéma du professeur propret débarquant dans un univers qui lui est étranger peut sembler connu, mais Étienne Comar ne tombe jamais dans l’écueil de certains feel good movies remplis de bons sentiments. L’univers carcéral n’est jamais édulcoré, aucune détenue ne cultive une fausse joie de vivre, et le poids de leur enfermement – souligné visuellement par l’utilisation du format 4/3 –pèse inévitablement sur elles. Luc ne débarque pas comme le sauveur qu’on attendait pour introduire de la gaieté dans la prison. Il est là, avec ses failles et son répertoire musical allant de Mozart à Patrick Juvet, en passant par l’opéra de Bizet, Carmen et, à travers la musique, il va tenter de créer un lien avec ces femmes. Aussi ténu et complexe soit-il, ce lien est plus que suffisant pour faire l’objet d’un film.
Face à Alex Lutz, acteur protéiforme qui puise ici dans le registre de la fragilité et de la douceur, on retrouve six actrices incroyables dégageant chacune quelque chose qui lui est singulier. Le réalisateur a eu la bonne idée de mêler des actrices professionnelles (comme Agnès Jaoui, Hafsia Herzi, Marie Berto ou Veerle Baetens) à d’autres rencontrées lors de castings sauvages (comme Fatima Berriah et Anna Najder).
De cette alliance entre la musique et le casting ressort une énergie tout en contraste, à la fois retenue et flamboyante, qui fait le charme de ce film généreux.
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux