À partir d’une banale situation d’adultère qui aurait pu donner lieu à un drame social naturaliste, Agnès Varda choisit de proposer une vision hédoniste à la morale ambiguë et à l’esthétique parfois abstraite
Un menuisier vit heureux avec sa femme couturière et leurs deux enfants dans le cadre champêtre de Fontenay-aux-Roses. Un jour, il fait la connaissance d’une postière de Vincennes et en tombe éperdument amoureux…
Toute l’ironie du film est qu’il est placé sous l’égide du « bonheur », mais un bonheur défait des carcans sociaux et des interdits. Comme chez Ophüls, le bonheur tel que le conçoit Varda n’est pas forcément « gai ». En tout cas, il demande à être réinventé à l’image de l’amour rimbaldien. Ultime affront fait à la bienséance, la réalisatrice demande à Jean-Claude Drouot (Thierry la Fronde) et à sa propre femme, Claire, de jouer François et Thérèse, le couple principal, et de se confronter ainsi à leur propre déconstruction fictive.
Tourné juste après Cléo de 5 à 7, Le Bonheur était peut-être, à l’époque de sa sortie, trop en avance sur son temps. La révolution sexuelle n’était pas encore passée par là et Agnès Varda bousculait alors les mœurs en mettant en lumière un polyamour qui n’est jamais condamné. L’Ours d’argent obtenu à Berlin n’a pas suffi à calmer les critiques et surtout la censure qui jugea que le film devait être interdit aux moins de 18 ans !
Aujourd’hui, tout ce bruit peut prêter à sourire, le sujet n’ayant plus rien de subversif. Le Bonheur peut alors s’apprécier pour ce qu’il est : un film beau et intense comme une après-midi d’été qu’on ne voudrait jamais voir s’échapper.