En à peine plus d’une heure, ce film fait le portrait acerbe d’une arriviste que Barbara Stanwyck incarne avec toute la froideur nécessaire
Après la mort de son père dans l’incendie d’un bar minable qu’il tenait dans le sud des États-Unis, Lily Powers écoute les conseils d’un client qui l’encourage à quitter la ville et à utiliser les hommes pour réussir au lieu d’être utilisée par eux. Débarquée à New York, elle se fait engager dans une banque et gravit les échelons de la hiérarchie, en même temps que les étages du building, en séduisant les hommes, du chef du personnel au directeur, les renvoyant au fur et à mesure qu’elle n’en a plus besoin.
On pourra déplorer une fin assez conventionnelle et imposée par les studios (il y avait des limites à l’immoralité). Néanmoins, Liliane dévoile un monde abrupt dans lequel toutes les armes sont bonnes pour une réussite qui ne peut équivaloir qu’à de l’argent. Lily se moque du respect ou des sentiments, elle veut sa revanche, l’opulence financière, et peu importe que sa route soit jonchée de cadavres ou de désespérés. À vrai dire, et encore une fois si l’on excepte la toute fin, on a rarement vu de portrait aussi acide et froid au cinéma : on pense à d’autres, comme Un si doux visage d’Otto Preminger (1952) ou à la même Barbara Stanwyck dans Assurance sur la mort de Billy Wilder (1944), mais le point de vue y était celui d’un homme, le héros qui se perd. Ici, c’est bien Lily qui mène le bal et que l’on suit, elle qui se compose un masque dénué de sentiment, impassible. Elle qui a compris comment fonctionne le monde, sans scrupules, et utilise ce savoir. À ce titre, mais aussi grâce à une mise en scène d’une redoutable efficacité, Liliane est une belle découverte.