Valois du jury et Valois de la Meilleure actrice au Festival du Film Francophone d'Angoulême 2021
La Vraie Famille raconte le quotidien d’une famille d’accueil confrontée au moment douloureux de la séparation. Un film d’une tendresse et d’une sensibilité bouleversantes et un baroud d’honneur pour Mélanie Thierry, absolument époustouflante de justesse dans le rôle de cette mère déchirée
Une piscine de camping. Des enfants et des adultes qui jouent et chahutent dans les fausses cascades et les bassins à remous. Ça crie, ça chante, ça rigole. Ce sont les vacances. Petit à petit, les familles se dessinent. Plus précisément, celle d’Anna, qui passe l’été dans le Sud avec son mari Driss et leurs trois enfants : Adrien, Jules et Simon, le petit dernier. En quelques répliques, on comprend que Simon a été placé dans la famille d’Anna alors qu’il n’était qu’un bébé. Cet enfant de 6 ans connaît parfaitement sa situation. Il sait que sa mère biologique est morte, que son père Eddy, qu’il voit régulièrement, n’a pas pu s’occuper de lui. Mais Eddy va mieux et il vient de faire une demande au juge afin que son fils passe les week-ends et les vacances avec lui. Anna le sait : c’est le processus normal. Son travail, comme mère d’accueil, c’est d’aider cet enfant à retrouver peu à peu son papa et à construire une nouvelle vie avec lui.
Simon est entré dans sa vie alors qu’il n’avait que 18 mois. C’est son benjamin, le frère de ses deux aînés, et cette nouvelle, même si elle pensait y être préparée, est un véritable choc pour cette maman dévouée. Malgré les sentiments contradictoires qui l’habitent, elle respecte le déroulement du processus. Désormais, l’enfant boucle son sac chaque fin de semaine et quitte cette maison pleine de vie et de joie pour rejoindre son père. Chaque nouveau week-end amène son lot de moments douloureux qui rappellent à Anna que ce gamin qu’elle chérit tant quitte doucement son foyer : une photo offerte par Eddy, la demande de celui-ci pour que Simon ne l’appelle plus « maman ». Tel un fil qui s’effiloche, petit à petit, le lien entre Simon et sa famille d’accueil s’amenuise.
La narration du film de Fabien Gorgeart (dont il signe aussi le scénario) est d’une fluidité remarquable. Avec beaucoup d’intelligence et de finesse, le cinéaste parvient à nous faire entrer dans cette petite famille ordinaire et à nous faire vivre avec elle des moments extraordinaires. C’est la très grande force du film : privilégier tous ces instants qui font que la famille peut être un véritable port d’attache, un vivier dans lequel on apprend et on grandit. Il analyse le lien filial avec beaucoup d’intelligence, ne négligeant aucun des personnages, adultes ou enfants. Le destin de Simon est de vivre avec son père, qui l’aime vraiment. Anna le sait : comme le lui rappelle la juge qui traite le dossier de l’enfant, elle est là pour le bien être de Simon, pour l’aider à reconstruire sa vie. Et c’est là qu’est toute la subtilité du film, dans cette zone en demi-teinte où il est question du bonheur d’un enfant dont le sort dépend d’adultes persuadés d’être les mieux placés pour rendre ce bonheur possible. Le film ne juge jamais. Il dessine avec délicatesse les instants fragiles sans négliger ceux qui heurtent, que ce soit dans le chef d’Anna et des siens ou dans celui d’Eddy.
À noter : la prestation de Mélanie Thierry, qui embrasse ce rôle avec une justesse hors du commun. Elle a d’ailleurs obtenu le Bayard de la meilleure comédienne au dernier Festival International du Film francophone de Namur.
LAURENCE HOTTART, les Grignoux