Maggie Gyllenhaal aborde dans son premier long métrage, magnifique et dérangeant, un des plus grands tabous de notre société : le regret de certaines mères d’avoir enfanté
Leda, une professeure d’université américaine, passe ses vacances d’été sur une petite île grecque. Le calme qu’elle semblait être venue chercher est rapidement perturbé par l’arrivée d’une famille envahissante et potentiellement menaçante. Dès le début, le ton que donne Maggie Gyllenhaal à son premier long métrage ne laisse pas trop de place au doute : la jeune cinéaste nous embarque dans un thriller psychologique. Pour autant, difficile de comprendre tout de suite d’où provient exactement le mal-être qui sous-tend le film, quel est le moteur de l’angoisse qui nous traverse. Ce n’est que lorsqu’une fillette de cette famille échappe à la surveillance de ses parents, puis qu’une poupée est dérobée, que The Lost Daughter révèle sa véritable ambition.
Un montage mêlant flash-back et temps présent nous dévoile alors que la cause de l’intranquillité de Lena appartient en fait au passé et se terre au plus profond d’elle-même. En revenant une quinzaine d’années en arrière, nous découvrons Lena en plein burn out maternel, ne voyant pas dans sa vie de famille le sommet du bonheur, mais bien une annihilation de son statut de femme et un frein à son accomplissement personnel.
En adaptant le bouquin Poupée volée d’Elena Ferrante, Maggie Gyllenhaal aborde le sujet tabou des femmes qui ne s’épanouissent pas dans la maternité. La réalisatrice se place du point de vue intime de cette mère étouffée par une société qui ne peut pas la comprendre. La forme du thriller psychologique choisi par la cinéaste accentue le sentiment d’isolement et de menace permanente que ressent Lena. Sur cette petite île, elle ne peut échapper à la société, cette société qui lui a renvoyé l’image d’une « mauvaise mère ». Pour autant, en lui refaisant vivre son passé, cette épreuve pourrait peut-être lui servir de catharsis pour qu’enfin elle se défasse de ses démons et se pardonne.
La jeune réalisatrice défend admirablement son personnage principal en nous plaçant au cœur de ses sentiments et de ses questionnements. Pour ce faire, elle peut compter sur les solides interprétations de ses deux Lena, Olivia Colman et Jessie Buckley, qui, derrière leur apparente froideur, cachent une détresse déchirante. Sur une partition proche, Dakota Johnson livre également une prestation remarquable.