Phénomène de société à sa sortie, cette fable romantique et pétillante s’inscrit dans un univers poétique à l’imaginaire rétro, et consacre une parfaite Audrey Tautou dans le rôle-titre. Vingt ans plus tard, le charme du film opère toujours
Amélie, jeune serveuse dans un bar de Montmartre, passe son temps à observer les gens et à laisser son imagination divaguer. Elle s’est fixé un but : faire le bien de ceux qui l’entourent.
Comme à son habitude, le réalisateur Jean-Pierre Jeunet déploie un bric-à-brac de trouvailles techniques et visuelles, le situant quelque part entre Méliès et Disney : animation en paroles d’un personnage dans une photo, bulles de bandes dessinées incrustées sur les toits de Paris, accélérés soudains, le tout bercé par la très agréable musique de Yann Tiersen, sans doute le meilleur élément de l’œuvre. Il serait vain de reprocher à Jeunet son manque de réalisme dans la vision de la capitale : son Paris n’est guère plus authentique que celui de Clair et Carné, de même que Jacques Demy recréait les villes de Nantes ou Rochefort, les greffant à son imaginaire. L’univers urbain d’Amélie Poulain est celui d’un album illustré pour adultes, où Montmartre serait fantasmé, les couloirs de métro aseptisés et les personnages pittoresques surgissant de chaque coin de rue, chaque table de troquet. On sera ici reconnaissant à Jeunet d’utiliser des comédiens savoureux qui ont chacun leur moment d’attention dans le récit, prolongeant la tradition des excentriques du cinéma français : Rufus en retraité neurasthénique trouve un emploi qu’aurait pu occuper naguère Saturnin Fabre, quand Artus de Penguern joue les écrivains ratés avec une mine que n’auraient pas désavoué Le Vigan ou Jean Tissier.