Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine pour Penelope Cruz à la Mostra de Venise 2021
Pedro Almodóvar nous surprend une fois de plus avec ce récit de maternité contrariée résonnant avec l’histoire de l’Espagne. On retrouve à l’écran l’une de ses formidables actrices fétiches, Penélope Cruz, récompensée pour son interprétation à la dernière Mostra de Venise
Almodóvar a le don de pouvoir raconter des histoires complexes, tissées de plusieurs fils, narrant la trajectoire de différents protagonistes, mêlant la petite à la grande Histoire sans jamais perdre le spectateur une seule seconde, le laissant s’installer dans son univers pour y apprécier chaque détail, qu’il s’agisse des décors particulièrement flamboyants ou de l’expression subtile et révélatrice d’un regard.
Nous suivons ici la destinée de Janis (Penélope Cruz), une photographe madrilène qui, sur le point d’accoucher, rencontre Ana, une jeune fille partageant sa chambre d’hôpital. Toutes deux s’apprêtent à devenir des mères célibataires, mais alors que Janis considère cette grossesse accidentelle comme un événement heureux, Ana, à tout juste 17 ans, est effrayée par la situation.Elles accoucheront toutes les deux en même temps, dans deux salles parallèles, et se retrouveront ensuite pour échanger quelques mots tandis que leurs filles passent quelques examens médicaux. Elles ne le savent pas encore, mais cette brève rencontre aura un terrible impact sur leurs vies respectives…
Conjointement à cette trame narrative, le cinéaste expose un autre récit, lié à l’histoire de l’Espagne, toujours hantée par les fantômes de la guerre civile.
Grâce à l’aide d’un ami anthropologue judiciaire, Janis a entrepris les démarches administratives visant à faire exhumer une fosse commune où se trouverait le corps de son grand-père et d’autres hommes fusillés par les partisans fascistes. Janis porte ainsi la voix des femmes, sœurs, enfants et petits-enfants victimes du franquisme cherchant à colmater les plaies de l’histoire restées ouvertes, et ainsi réparer la mémoire de leurs ancêtres tout en permettant aux générations suivantes de faire enfin leur deuil.
Loin d’être une toile de fond, cette trajectoire s’entremêle intimement à ce que Janis vit, à son désir de maternité, au tracé qu’elle est elle-même en train de dessiner sur le monde en donnant naissance à sa fille. Ce qu’Almodóvar nous raconte, c’est une histoire de filiation, de liens qui nous connectent les uns aux autres, et la manière dont le passé habite inévitablement le présent. Janis sera à jamais liée à Ana, tout comme elle l’est à sa grand-mère, aux autres femmes du village, à l’histoire de l’Espagne et de ses traumatismes, ainsi qu’à celle de l’humanité entière.
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux