Philippe Le Guay (Les Femmes du 6e étage, Normandie nue) réussit un film à la palette de couleurs variées qui mélange finement comédie ironique et drame intimiste, tout en questionnant notre société et son histoire
À Paris, Simon et Hélène décident de vendre une cave dans l’immeuble où ils habitent. Un homme, au passé trouble, l’achète et s’y installe sans prévenir. Peu à peu, sa présence va bouleverser la vie du couple.
On imagine le plaisir qu’ont dû prendre Philippe Le Guay et ses coscénaristes Gilles Taurand et Marc Weitzmann à écrire un personnage aussi irrévérencieux que celui interprété par François Cluzet, sorte de condensé de toutes les tares de l’homme (très) moyen, aigri, misanthrope, râleur invétéré qui remet tout en question, jusqu’à des événements de l’histoire tragique du xxe siècle, lui, le professeur d’histoire… viré de son école. Le genre de gars que l’on n’a jamais envie de voir débarquer chez soi, l’image du parasite dont on voudrait bien vite se débarrasser avant que tout finisse mal.
À partir de ce thème classique en fiction, producteur de comédies et de tragédies, Philippe Le Guay réalise un film enlevé, très dialogué, où les comédiens ont un large espace de jeu pour faire exister leurs personnages sans pour autant cabotiner, tout se jouant dans la subtilité et les changements de ton. L’action est concentrée dans l’espace d’un immeuble (de sa cour à sa cave, donc) et le film s’émancipe vite du théâtre filmé par le recours à une mise en scène énergique. Cet immeuble, prétexte à la collision des êtres et donc des pensées, et symbole d’une société qui a du mal à se débarrasser de ses démons, est plus que le décor central du film, c’est un formidable moteur de l’action. C’est là que cela devient intéressant, lorsque ce qui s’apparentait uniquement à de la pure comédie jouissive sait aussi se transformer en une fiction plus sérieuse qui convoque les démons du passé. Cette finesse dans l’équilibre trouvé entre drôlerie et gravité fait toute l’originalité de cette fable surprenante qui bouscule notre confort de spectateur.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux