Avec Tout s’est bien passé, adapté du livre d’Emmanuèle Bernheim, François Ozon signe un film sur la fin de vie, superbement incarné par André Dussollier et Sophie Marceau
Emmanuèle Bernheim et François Ozon se connaissaient bien. Disparue le 10 mai 2017, elle avait signé ou cosigné le scénario de quatre films du réalisateur : Sous le sable, Swimming pool, 5X2 et Ricky. Mais adapter Tout s’est bien passé, récit intime consacré à la fin de vie après un A.V.C. de son père collectionneur, n’avait rien d’un long fleuve tranquille.
D’abord, parce qu’en abordant le sujet du droit de mourir dans la dignité, le risque est grand de tomber dans le pur film à sujet. Et, ensuite, parce qu’à connaître aussi bien celle qui racontait ici un pan aussi douloureux de son existence, existait la tentation d’y aller avec le frein à main, de ne pas s’employer à ce que nécessite toute bonne adaptation : la trahison. Tout s’est bien passé balaie assez vite ces deux inquiétudes.
On connaît depuis Grâce à Dieu la capacité d’Ozon à s’emparer d’un sujet de société fort en lui trouvant un angle d’approche singulier. Ozon s’y emploie ici de la même manière en osant accompagner la description clinique de la volonté de cet homme d’en finir avec l’existence avant d’être totalement diminué, comme la difficulté pour ses filles d’encaisser la nouvelle, puis de s’employer à respecter sa volonté par une trivialité, voire un humour surgissant de manière inattendue. Ici, Ozon fait d’abord et avant tout dialoguer deux pans de son cinéma: la puissance émotionnelle d’un Sous le sable et l’aspect sale gosse volontiers provocateur d’un Sitcom. Le choc des contraires.
Cette chronique d’une mort annoncée devient précisément passionnante, car elle refuse d’enfermer le spectateur dans une prise d’otages émotionnelle et ose les sorties de route, les moments de gêne, les rires à contretemps. La vie envahit ce récit et l’éloigne de toute tentation mortifère.