Après Au revoir là-haut, Albert Dupontel, poil à gratter du cinéma français, revient avec un film au titre évocateur, Adieu les cons, une virée fantaisiste dans laquelle il malmène avec humour la police, l’administration, la culture d’entreprise ou les nouvelles technologies, et fait briller – une fois de plus – la lumineuse Virginie Efira
Décidément, la police n’a plus la cote, mais contrairement à Un pays qui se tient sage, documentaire on ne peut plus sérieux, la critique de Dupontel passe ici par la bande, celle de l’humour.
Et d’humour, il ne s’en prive pas, lui qui, depuis toujours, s’amuse à pincer comme un enfant terrible tout ce qui a une fâcheuse tendance à l’exaspérer dans ce monde ou à entraver cette franche bonhomie qu’on lui connaît.
Cependant, c’est par un autre biais qu’il nous embarque dans cette fable moderne – rappelant par endroits l’imaginaire d’un Jean-Pierre Jeunet –, celui de Suze Trappet (Virginie Efira), coiffeuse de 43 ans à qui l’on apprend que les vaporisateurs industriels utilisés dans son salon depuis des années ont fâcheusement endommagé ses poumons… Le verdict de son médecin (Bouli Lanners, dans une scène mémorable) est sans appel : elle est condamnée.
L’annonce de cette issue fatale poussera Suze à tenter de retrouver l’enfant qu’on l’a forcée à abandonner trente ans plus tôt, suite à une grossesse non désirée. Mais les archives numériques n’étant pas encore d’actualité à l’époque, certains papiers officiels et nécessaires à son enquête semblent avoir tout bonnement disparus… JB (Dupontel lui-même) est, quant à lui, un informaticien en plein burn out qui, suite à un entretien avec son boss, décide de mettre fin à ses jours sur son lieu de travail. Bien entendu, rien ne se passera comme prévu et, suite à une tentative de suicide ratée (au lieu de se tuer, il blesse l’un de ses collègues), JB se réveille aux côtés de Suze, déterminée à utiliser son génie informatique pour retrouver son fils… C’est le début d’une quête rocambolesque où ils croiserontla route de M. Blin, archiviste devenu aveugle suite à une bavure policière, qui les accompagnera sur une bonne partie de leur périple.
Cette quête, d’abord administrative, se mue bientôt en quête sentimentale. Chaque personnage, à sa façon, souffre d’un manque d’amour : celui d’une maternité volée pour Suze, ou d’une extrême solitude pour JB, ayant développé davantage de lien avec l’écran de son ordinateur. Dupontel semble se retourner sur le monde moderne qui nous
entoure et le regarde avec mélancolie. Un monde féroce, bureaucratique, numérique, ordinairement violent, où l’on regrette les rencontres fortuites, les échanges authentiques.
Et pour retrouver cette sincérité perdue, ils se pourraient bien que ses personnages envoient tout valdinguer et disent « Adieu » aux cons !
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux