Il n’y a guère qu’Emmanuel Mouret (Caprice, Mademoiselle de Joncquières) pour disséquer avec tant d’à-propos l’art indélicat d’aimer. Les chassés-croisés amoureux s’imbriquent comme autant de poupées gigognes dans cette variation sentimentale qui place Camélia Jordana et Niels Schneider en son centre
C’est une délicieuse partition, légère, enlevée, qui explore avec tendresse nos oscillations amoureuses. Quand Mouret croque nos faiblesses, nos hésitations, nos mensonges, il le fait avec un regard bienveillant, en habitué des territoires fluctuants de notre géographie sentimentale.
Daphné accueille Maxime dans sa maison de vacances. Il est le cousin de son compagnon François (Vincent Macaigne). En attendant le retour de François, il s’épanche de bon cœur, à la demande de Daphné, sur ses déconvenues amoureuses, tandis qu’en retour, Daphné lui narre les aléas de sa rencontre avec François. Les méandres des passions, contrariées ou non, se déclinent avec l’avantage d’un regard rétrospectif sur elles. Mais en amour, ne sommes-nous pas enclins à retomber dans les mêmes schémas ? Ainsi de Maxime en confident éternellement frustré, tandis que Daphné, elle, veut croire qu’il est parfois possible de ne pas céder à nos envies, de rompre le charme…
D’autres personnages habitent cette dissection raffinée de nos émois, telle Louise (Émilie Dequenne, pudique et bouleversante) qui se réinvente une dignité au-dessus de la mêlée dans le rôle de l’épouse trompée.
Le style inimitable de Mouret fait à nouveau mouche : des dialogues ciselés et une théâtralité gracieuse nous donnent envie de suivre éternellement ses personnages. Et quand vient l’heure, inexorable, de baisser le rideau du film, pas de morale ni de conclusions, juste cette impression fugace et joyeuse d’avoir touché du bout des doigts les vérités contradictoires de nos désordres amoureux…
CATHERINE LEMAIRE, les Grignoux