Ce premier long métrage est un film bouleversant et un drame puissant sur la parentalité dans une Tunisie à l’aube d’une transition politique et sociale. Prix du Public au FIFF 2019
Un fils, premier long du jeune cinéaste tunisien Mehdi M. Barsaoui, suit la trajectoire d’une famille privilégiée coupée des réalités d’un monde qui vacille encore, sept mois après la chute du dictateur Ben Ali et six semaines avant la mort du dirigeant libyen Kadhafi. Farès et sa femme Meriem honorent une promesse faite à leur jeune fils Aziz : partir en vacances pour découvrir la beauté du désert. Le séjour vire au cauchemar lorsque leur voiture tombe dans une embuscade tendue par un groupe terroriste. Grièvement blessé, Aziz doit être hospitalisé d’urgence. Seule une greffe du foie peut le sauver. Intransportable, l’enfant se retrouve entre la vie et la mort dans un hôpital rudimentaire du Sud tunisien où l’espoir d’un don d’organe, mal perçu en Tunisie, s’amenuise. Les analyses sanguines effectuées sur les parents révèlent un secret longtemps caché : Farès n’est pas le père biologique d’Aziz. Les vérités enfouies refont alors surface, ébranlant le destin de ce couple en apparence heureux qui assiste impuissant à l’agonie de sa progéniture.
Drame familial à la mise en scène maîtrisée, Un fils capture un climat de chaos, celui du Printemps arabe ayant ébranlé la Tunisie et la Lybie, sa proche voisine, en 2011. Miroir d’une société dominée par un système archaïque, cette bouleversante tragédie intime construite en semi huis-clos file une ingénieuse métaphore entre la sanglante trajectoire des personnages et celle du pays en crise. En effet, Un fils met en relief les problèmes de la Tunisie post-révolutionnaire en soulevant de puissantes thématiques telles que le patriarcat, la paternité, la masculinité, l’émancipation et l’adultère tabou dans le monde arabe.
Le cinéaste, qui dénonce également le trafic d’organes ainsi qu’un secteur de santé bancal, filme une tension constante, due à l’attente de la greffe, dans les couloirs austères de l’hôpital. Dehors, la beauté pure des paysages arides se fait l’écho des dilemmes et émotions intenses venus submerger les époux. La caméra sublime le visage épuisé, impuissant, anéanti d’un père qui souffre et se bat à tout prix pour secourir son fils. Aux côtés de sa partenaire Najla Ben Abdallah, Sami Bouajila, récompensé par le prix d’interprétation masculine à la Mostra de Venise, livre une très belle performance dans le rôle de Farès, tiraillé entre l’humiliation et la colère de l’homme trahi par celle qu’il aime, et la fierté du père aimant.
D’après SÉVAN LESAFFRE, Les Œillades 2019