Il y a trente ans, le cinéaste Philippe de Pierpont rencontrait six enfants des rues au Burundi et les filmait. En 2018, il les retrouve pour la quatrième fois. Quel regard ceux-ci portent-ils sur le monde et sur eux-mêmes ?
In another life est un film hors du commun, tenant d’une démarche très originale, car né d’une promesse entre Philippe de Pierpont et ces gamins des rues : lui promet de revenir les filmer régulièrement, tandis qu’eux s’engagent à rester en vie. Le réalisateur belge donne aujourd’hui la parole à ces enfants devenus hommes et qui, du haut de leurs 40 ans, nous partagent leurs ressentis sur la famille, la paternité, les amours qu’ils ont connues, l’alcool présent dans leur vie depuis l’enfance, ou encore la manière dont ils sont sortis indemnes de la guerre. Ces moments d’interviews sont entrecoupés d’images de leur enfance, illustrant comment leurs considérations sur la vie et le monde, ont évolué au fil des années.
Enfants, ils se sont échappés de situations familiales compliquées pour se retrouver livrés à eux-mêmes dans la violence de la ville. Leur seule activité se résumait à chercher de quoi manger et où dormir. Ils vivaient ensemble, soudés comme les doigts d’une main. De la bande, trois ont survécu, et même s’ils estiment leur vie plus douce actuellement, par rapport à une enfance parsemée d’obstacles, on ressent un désenchantement et une certaine mélancolie liée à leur vie d’adulte. On pourra se retrouver dans cette évocation du temps qui passe et des rêves qui disparaissent. Mais la dureté de la vie au Burundi ancre celle-ci dans un contexte socio-économique que l’on ne soupçonne que très peu. En permettant de nous y confronter, ce film résonne comme un appel à plus de justice sociale et à la dignité humaine.
Les Grignoux