Dans un décor digne des westerns italiens, John Shank et Anna Falguères ont imaginé un monde singulier, baigné dans une lumière ardente et crépusculaire. Une histoire d’amour fou, d’une brûlure intense, déployée dans une superbe photographie
Le lieu que l’on découvre est empli de mystères. C’est un no man’s land aride où plus personne ne semble habiter si ce n’est une meute d’enfants solitaires – évoquant celle des enfants perdus dans Peter Pan –, qui évoluent sous la houlette de deux jeunes adultes, Victor (Aliocha Schneider) et Toxou (Vincent Rottiers).
Les journées sont longues, les garçons gagnent leur vie en fouillant le sol, à la recherche de vestiges enfouis qu’ils revendent ensuite à des adultes louches. Sommes-nous à Pompéi, cette cité italienne antique tristement célèbre pour avoir été ensevelie lors d’une éruption volcanique ? Vraisemblablement non, car on y parle français, mais ce lieu désertique, l’impression apocalyptique qu’il nous laisse – et le titre du film, bien entendu –, nous y renvoient inévitablement.
Victor et Toxou ont aussi pris possession d’une station-service, où ils aiment faire peur et arnaquer le peu de conducteurs qui y passent. Un jour, une voiture s’arrête pour faire le plein et, à l’intérieur de celle-ci, Victor aperçoit Billie (Garance Marillier). Ils se dévisagent, s’observent et, déjà, une lueur traverse leurs regards. Billie vit dans un village voisin et passe ses journées enfermée dans sa chambre. Elle est en convalescence pour une raison qu’on ignore… Entre ces deux êtres solitaires, une passion amoureuse naîtra. Un amour charnel, indomptable. Mais dans cette ville où les lois ne sont pas écrites, où une menace inconnue semble planer sur les personnages, cette passion n’aura pas l’espace pour s’enflammer. Et pour la vivre, les deux amants devront en construire un autre, qui n’appartient qu’à eux…
Dans ce monde étrange, l’intrigue minimaliste demeure secondaire. Pompei se regarde comme un film de genre. On y retrouve quelque chose, en moins tonitruant, du Laisser bronzer les cadavres d’Hélène Cattet et Bruno Forzani, dans cette manière de situer l’action dans un espace aride, abandonné du monde, représenté par une succession de plans larges et de gros plans, façon western. Mais il y a dans Pompei une aura romantique qui l’éloigne des films de série B, et cette aura passe avant tout par la photographie. De la lumière à la texture des cheveux des protagonistes, aux détails de leurs vêtements (une déchirure par-ci, une trace de terre par-là…), on dirait presque que l’on survole une exposition photo. Cette élégance plastique participe à l’énigmatique beauté du film.
ALICIA DEL PUPPO, LES GRIGNOUX