Un ballet de regards et de gestes d’une absolue virtuosité, où se révèle toute la rigueur esthétique et morale d’un cinéaste chez qui l’observation méticuleuse du réel tend à l’abstraction
L’itinéraire de Michel, jeune homme solitaire, fasciné par le vol, qu’il élève au niveau d’art, persuadé que certains êtres d’élite auraient le droit d’échapper aux lois.
Très lointainement inspiré de Crime et châtiment, le roman de Dostoïevski, c’est ici le sommet de l’œuvre de Bresson, un film limpide et mystérieux, évident et secret, un joyau du cinéma français. Non seulement son contenu, mais son sujet semblent laissés à la libre interprétation du spectateur. Pour nous, le vol est ici la métaphore de toutes activités accomplies hors et contre la société, de toutes formes d’énergie qui, ne servant pas la société, la nient. Ne trouvant de justification qu’en elles-mêmes, ces activités ont un fort coefficient ludique. S’y ajoutent dans la description donnée ici par Bresson, une passion, une virtuosité, une clandestinité, un sentiment de danger, qui sont sources de plaisir à la fois pour qui les accomplit et pour qui les regarde. Autre caractéristique de ces activités : elles ont lieu, et même quand celles-ci nécessitent des partenaires, dans une totale solitude, qui assimile parfois Michel à un héros de western, grisé jusqu’au vertige d’être seul à travers l’immensité des territoires qu’il parcourt.