Extrait dossier pédagogique
réalisé par Les Grignoux et consacré au dessin animé
La Fameuse Invasion des ours en Sicile
de Lorenzo Mattotti
Italie, 2019, 1h22
Le dossier pédagogique consacré à la Fameuse Invasion des ours en Sicile propose trois grandes animations autour du film.
Il s'agira d'abord pour les jeunes spectateurs de se remémorer les principales étapes de l'histoire en se basant essentiellement sur leurs souvenirs de la projection. Cet exercice s'accompagnera d'une première réflexion sur la structure du récit qui est composé de deux grandes parties, permettant d'organiser de façon logique les événements.
On reviendra ensuite sur le sens de ce conte tiré d'un roman de Dino Buzzati. Comment faut-il comprendre cette fameuse invasion des ours? Quelle leçon peut-on en tirer? Ce conte est-il purement fantastique ou fantaisiste ou bien peut-on ou doit-on l'interpréter de façon plus approfondie?
Enfin, on reviendra sur les qualités artistiques du dessin animé de Lorenzo Mattotti, un illustrateur italien de grande renommée. Pour aborder cette dimension esthétique, l'on suggérera aux enfants de procéder à une comparaison entre des images du film et des réalisations artistiques de différentes provenances et, on l'espère, relativement inattendues.
L'extrait proposé ci-dessous est tiré de la première partie du dossier.
L'histoire mise en scène dans la Fameuse Invasion des ours en Sicile ne pose sans doute pas de problèmes majeurs de compréhension, du moins en ce qui concerne son déroulement général et la succession des principaux événements. Comme on le verra dans l'animation suivante [disponible dans le dossier imprimé], le sens « profond » de ce conte est en revanche plus problématique.
Il est cependant intéressant de revenir sur l'histoire racontée qui présente des particularités originales par rapport à d'autres contes pour enfants : on remarque ainsi facilement que le dessin animé de Lorenzo Mattotti est découpé en deux grandes parties, racontées l'une par le baladin Gedeone et son aide Almerina, l'autre par l'ours immense et fantomatique rencontré dans la grotte. D'autres caractéristiques méritent sans doute d'être relevées.
Faire un résumé oral (ou écrit) d'un film comme la Fameuse Invasion des ours en Sicile est certainement un exercice ardu et d'un intérêt limité pour les jeunes spectateurs : pourquoi en effet répéter de façon plus ou moins malhabile ce qui a déjà été si bien raconté en mots, en images et en musique au cinéma ?
L'on suggère plutôt ici de réaliser avec les enfants une représentation graphique et schématique du film qui permettra d'en mieux percevoir la structure d'ensemble, de repérer les principaux épisodes et d'en comprendre éventuellement la « logique » ou le sens. L'on partira d'une vue d'ensemble du film que l'on peut représenter comme une grande boîte allongée orientée par une flèche de gauche à droite symbolisant le déroulement de l'histoire :
L'on va ensuite essayer de remplir cette grande boîte. Comment pourrait-on la découper ? Quelles en sont intuitivement les grandes parties ? Y a-t-il selon les jeunes spectateurs deux, trois ou quatre parties dans le film ?
Si aucune réponse n'émerge spontanément, posons une question plus précise : comment se termine le film ? Deux réponses sont possibles :
Si l'on envisage la seconde réponse, on peut leur demander quand les ours sont arrivés en ville. Les participants se souviendront certainement que les ours vivaient dans les montagnes, que la faim les a poussés vers la vallée et la ville des humains, qu'il y a eu une grande « bagarre », que Léonce a retrouvé son fils Tonio et qu'il est devenu roi à son tour. Une seconde partie du film raconte alors comment les ours seront amenés à quitter la ville après de multiples péripéties et en particulier la mort du roi Léonce.
Si les participants ont négligé le rôle de Gedeone et d'Almerina (qui apparaissent en effet à la toute fin du film), c'est sans doute le moment de poser les questions suivantes : qui raconte cette histoire ? Est-ce les mêmes personnes qui racontent les deux parties de l'histoire ? À qui ces histoires sont-elles habituellement racontées ?
(À l'inverse, si les participants ont immédiatement mis l'accent sur le rôle final de Gedeone et d'Almerina, il sera facile d'attirer leur attention sur le découpage de l'histoire en deux parties, l'une racontée par les deux baladins, l'autre par l'ours de la grotte).
Notre schéma se complexifie de la façon suivante :
Ce schéma peut bien sûr avoir une autre apparence : celui-ci nous sert surtout à montrer le rôle d'encadrement (symbolisé par les surfaces grises) des différents conteurs et conteuse[1], ainsi que la division bipartite de l'histoire centrale.
Différentes questions permettront encore de compléter ce premier schéma :
L'objectif de ces différentes questions est essentiellement de montrer la structure symétrique et inversée des deux grandes parties de l'histoire de l'invasion des ours, structure qui apparaît à différents niveaux :
On peut schématiser ces différentes réflexions dans notre schéma de la façon suivante :
Notre schéma final est très détaillé, et certaines explications sont sans doute nécessaires. Par exemple, les flèches parallèles (Léonce veut retrouver Tonio // Les ours veulent manger) signifient que les projets de Léonce et des ours, bien que différents coïncident ou sont en accord. Les flèches croisées signifient en revanche que les projets de Léonce et de Salpêtre sont opposés et mènent au conflit.Ce qui importe, comme on l'a dit, c'est le caractère symétrique des deux parties de l'histoire de l'invasion des ours que l'on a symbolisé par une flèche montante (à gauche) et une descendante (à droite). Cette symétrie repose en outre sur des éléments communs — par exemple, Léonce est roi — mais inversés — roi des ours/ rois des ours et des hommes —. La perception de ces éléments de continuité semble évidente dès qu'elle est énoncée — par exemple, arrivée des ours, départ des ours —, mais il n'est pas nécessairement facile de les repérer : ainsi, les émotions que nous ressentons à la fin de la première partie et à la fin de la seconde — émotions positives vs émotions négatives — peuvent être facilement négligées. Il est donc intéressant de demander aux jeunes spectateurs s'il n'y a pas d'autres éléments communs aux deux parties qui auraient été négligés dans notre schéma. Ainsi :
Un schéma bien sûr simplifie les choses, et tous les événements ne se répètent pas sous une forme inversée dans la seconde partie. Mais un tel schéma (qui peut se présenter différemment) permet en tout cas de visualiser facilement les grandes articulations d'une histoire comme celle de la Fameuse Invasion des ours en Sicile. Il faut ensuite nuancer, détailler, compléter un tel schéma.
1. En termes savants, ce sont les narrateurs, ceux qui racontent l'histoire. Mais il y a en fait dans le film deux histoires: celle de l'invasion des ours et celle de la rencontre entre les saltimbanques et l'ours dans la grotte (à l'occasion de laquelle sera racontée la première histoire). Le récit complet est donc constitué par l'emboîtement de ces deux histoires. C'est ce que le schéma proposé veut souligner. En termes de narratologie, on peut considérer en outre que l'histoire de l'invasion des ours est elle-même constituée de deux grands schémas narratifs avec 5 étapes chacun: une situation initiale (SI), un élément perturbateur (EP), des péripéties (Ps), la résolution (R), la situation finale (SF). À savoir:
1er schéma :
SI: Léonce vit dans la montagne avec Tonio
EP: Tonio est enlevé
Ps: les ours partent vers la ville et finissent par conquérir la citadelle
R: Léonce retrouve Tonio qui ressuscite grâce à la magie de De Ambrosiis
SF: Léonce devient roi
2e schéma :
SI: Le royaume vit dans la paix entre ours et humains
EP: On vole la baguette du magicien
Ps: le magicien est faussement accusé et enfermé ainsi que Tonio, Salpêtre complote, le serpent de mer est libéré…
R: Le serpent de mer est tué, mais Léonce meurt
SF: les ours retournent dans les montagnes
Ces schémas détaillés sont donnés à titre indicatif pour les enseignants mais sont sans doute trop abstraits pour de jeunes spectateurs. Le graphique proposé suffit sans doute pour eux.