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Extrait dossier pédagogique
réalisé par Les Grignoux et consacré au film
Les Chatouilles
d'Andréa Bescond et Éric Métayer
France, 2018, 1h48

Ce dossier pédagogique consacré au film Les Chatouilles s'adresse aux enseignants du secondaire qui verront ce film avec leurs élèves (à partir de quatorze ans environ). Il propose plusieurs pistes d'animation à mettre en œuvre en classe rapidement après la projection. Bien que le thème principal du film — le viol d'une enfant par un adulte — soit apparemment peu « scolaire » (au sens traditionnel du terme), il relève pourtant bien des missions éducatives de l'école : il s'inscrit en effet dans le cadre de l'éducation à la santé et à la sexualité; il pose également la question morale mais aussi judiciaire du consentement et, à l'inverse, des violences sexuelles.
Ces sujets peuvent sembler « sensibles » sinon trop sensibles à certains enseignants ou enseignantes. L'on propose donc dans une première partie du dossier plusieurs pistes d'animation pour aborder la thématique du film afin d'éviter toute maladresse à l'égard de certains élèves qui peuvent être ou avoir été confrontés à des faits similaires.
Dans une deuxième partie, l'on abordera le film lui-même et en particulier le portrait de son personnage principal Odette. On essaiera d'expliciter notamment quel impact les violences subies ont pu avoir sur son parcours personnel ainsi que les différentes étapes de ce qu'on peut appeler sa résilience.
Enfin, la troisième partie du dossier reviendra plus particulièrement sur le travail de mise en scène d'Andréa Bescond et Éric Métayer qui ont donné une forme originale à ce récit de vie. L'extrait ci-dessous est repris de cette dernière partie

La mise en scène du film : la mémoire en images

En regardant Les Chatouilles, les spectateurs et spectatrices auront certainement remarqué que le film ne déroulait pas les événements de manière chronologique ou linéaire. L'activité suivante propose d'observer, de chercher à comprendre comment le film, dans sa mise en scène, rend palpable et traduit formellement les émotions et le parcours d'Odette, victime de viols pendant une période prolongée de son enfance.

Avant la projection, une consigne d'observation

Avant de se rendre au cinéma, on pourra donner la consigne d'observation suivante aux élèves :

Pendant la vision du film Les Chatouilles, soyez attentif ou attentive aux différents « types de scènes », principalement aux passages soudains d'une époque à l'autre, d'un lieu à l'autre. Pourquoi, à votre avis, le film présente-t-il les événements de cette manière? Quels effets cela produit-il et qu'est-ce que cela peut apporter au niveau de la compréhension de l'histoire, du vécu du personnage principal?

Les observations récoltées à l'issue de la projection pourront faire l'objet d'une animation qui est détaillée ci-dessous.

Objectifs

  • Revenir sur la consigne d'observation
  • Appréhender la mise en scène d'un film
  • Formuler des observations sur le film
  • Discriminer, faire des liens entre différentes scènes formellement proches
  • Faire des liens entre fond et forme

Méthode

  • Tableau à compléter
  • Discussion en petits groupes puis en grand groupe

Déroulement

Avant de distribuer et de compléter le tableau ci-dessous, on refera un tour de table des impressions laissées par le film et on recueillera principalement les observations formulées en rapport avec la consigne d'observation.

On répartira ensuite la classe en petits groupes qui recevront chacun le tableau ci-dessous.

Les participants et participantes compléteront individuellement comme indiqué la colonne de droite; s'ils ne se souviennent pas de la scène, ils ne noteront rien. Il sera intéressant de relever les scènes qui ont plus particulièrement marqué les spectateurs et spectatrices, et celles qui, au contraire, les ont moins marqués et qu'ils ont peut-être oubliées.

Tableau de scènes à compléter

Complétez la colonne de droite après avoir pris connaissance des 4 catégories ci-dessous. Une scène peut être attribuée à plusieurs catégories.

Scènes de la catégorie1 : les repères autobiographiques Les étapes qui ont sans doute réellement jalonné la vie d'Andréa Bescond, la coréalisatrice du film, qui a inspiré le personnage d'Odette.

Scènes de la catégorie 2 : les interférences entre passé et présent Les scènes où des moments du passé et du présent apparaissent en même temps à l'image.

Scènes de la catégorie 3 : les mélanges entre réel et imaginaire Les « phantasmes de souvenirs »[1] : les scènes où Odette adulte intervient dans ses propres souvenirs et les remodèle.

Scènes de la catégorie 4 : les passages dansés et les passages sur fond noir Concerne tous les passages dansés mais aussi toutes les séquences filmées sur un fond noir.


1. Expression utilisée par Odette elle-même dans le film pour décrire le moment où elle danse et insulte des spectateurs imaginaires sur la scène de l'Opéra Garnier.

Brève description des scènes Catégorie
1, 2, 3 et/ou 4
1. Sur fond noir, Odette danse seule, assez calmement.
2. Odette subit des violences sexuelles de la part d'un ami de la famille pendant plusieurs années.
3. Dans le cabinet de la psy, Odette fait face à une porte rose en bois.
4. Dans le cabinet de la psy, Odette regarde dans le miroir et y voit de jeunes élèves de son cours de danse.
5. Le bureau de la psy est installé devant la maison d'Odette enfant.
6. Odette est admise au conservatoire.
7. Odette s'envole sur la scène de la salle de spectacle de son école.
8. Odette et sa psy sont adossées à un mur dans le chalet de montagne où Odette est en train de subir un viol.
9. Odette est hébergée dans une maison d'accueil à Paris pour la durée de ses études.
10. Le poster de Noureev s'anime et Odette, enfant et adulte, se retrouve sur la scène du prestigieux Opéra Garnier de Paris.
11. Odette et Manu enfants croisent en rue Odette et Manu adultes.
12. Odette se drogue et boit beaucoup d'alcool.
13. Odette part en tournée internationale jouer dans des comédies musicales.
14. Odette imagine révéler la vérité à Manu et à ses amies.
15. Odette entame une relation amoureuse.
16. Sur fond noir, Odette danse avec Lenny.
17. Odette fait la fête aux États-Unis avec son meilleur ami Manu.
18. Odette enfant imagine que son père découvre la vérité et s'en prend violemment à Gilbert.
19. Odette apprend que son agresseur est devenu grand-père de deux petites-filles.
20. Odette révèle la vérité à ses parents.
21. Odette porte plainte au commissariat.
22. Le procès a lieu, Odette témoigne.
23. Au moment de témoigner, Odette esquisse un geste de danse.
24. En sortant de la dernière séance de psychothérapie, Odette se retrouve face à la porte rose de sa salle de bain d'enfant. Après une hésitation, Odette ouvre la porte et s'avance.
25. Sur fond noir, Odette adulte retrouve Odette enfant et la réconforte. Elles s'en vont ensemble main dans la main.

Après que les participants auront complété le questionnaire de la page précédente, on leur demandera de réfléchir en petits groupes plus particulièrement aux scènes des catégories 2, 3 et 4 :

Comment interpréter ces séquences qui sont caractérisées par des infractions aux codes du réalisme? Quel sens peut-on leur donner? Comment doit-on les interpréter au regard de l'ensemble du film? Qu'est-ce que la mise en scène de cette scène ou séquence raconte au spectateur ou spectatrice? Quels liens permet-elle de faire entre la forme et le fond du film?

Une fois la réflexion terminée, les résultats seront mis en commun et les élèves pourront expliquer leurs choix et leurs analyses.

Commentaires

Le classement en différentes catégories, proposé ci-dessus, est bien entendu sommaire et donné à titre indicatif. On admettra dès lors une certaine souplesse dans les réponses des élèves, un des buts poursuivis principalement par cette activité étant de les faire s'exprimer en formulant leurs propres observations sur le film.

Repères autobiographiques

Comme on le sait ou le comprend à la simple vision du film, la vie d'Odette est inspirée pour une part de celle de la co-réalisatrice du film, Andréa Bescond. Certains éléments du film reposent sur des faits réels, vécus par la réalisatrice : les abus sexuels, l'apprentissage de la danse et son parcours artistique professionnel, des éléments de sa vie sentimentale, sa psychothérapie, mais aussi la révélation de la vérité à sa famille puis le dépôt de plainte et le procès qui s'en suivirent.

Quelques scènes classables dans la catégorie n° 1 : 2, 6, 9, 11, 14, 17, 18 et 19.

Interférences passé-présent

À de nombreuses reprises dans le film, passé et présent s'entremêlent à l'image. Le film ne propose pas de flash back classique pour mettre en scène les souvenirs d'Odette, mais fait littéralement coexister à l'écran des époques différentes! C'est ainsi qu'Odette et sa psy, en pleine séance de psychothérapie, se retrouvent propulsées au beau milieu des souvenirs qu'Odette est en train de se remémorer et de raconter : on assiste alors à des scènes plutôt cocasses, comme lorsque le bureau de la psy se retrouve installé dans l'allée de l'entrée de la maison d'Odette enfant.

Chassés-croisés temporels

Les réalisateurs poussent l'idée à son paroxysme lorsqu'ils font se croiser à l'image Odette à différentes périodes de sa vie. Ainsi, la séquence qui commence par sa rencontre avec son ami Manu : les enfants, interprétés par les jeunes comédiens Cyrille Mairesse et Tristan Perrota, marchent en rue et croisent, sans les voir ni les reconnaître bien entendu, leurs doubles adultes; Odette, interprétée par André Bescond, et Manu, interprété par le chanteur français Gringe. Ici, pas de trucage, les quatre protagonistes se croisent réellement à l'image. La caméra suit ensuite les deux amis, version adulte. Ces derniers s'installent à la terrasse d'un café, juste à côté d'Odette qui apparaît de dos et de sa psy! Dans cette scène, c'est évidemment une doublure, une autre comédienne qui a pris la place d'Andréa Bescond à la terrasse du café et qui se tient de dos, tandis que la vraie Andréa Bescond nous fait face et interprète une Odette jeune adulte qui n'a pas encore entamé de psychothérapie. Les deux amis, qui n'ont pas assez d'argent pour s'offrir un café, se lèvent et se remettent en marche. À peine ont-ils dépassé la terrasse du café qu'Andréa Bescond réapparaît assise à la table : c'est à nouveau sa doublure qui marche au loin dans la rue, de dos, à côté de Manu.

Le même dédoublement est mis en scène lorsqu'Odette se rend au procès de Gilbert Miguié. Odette, accompagnée de Lenny et de ses parents entre dans le tribunal. Le groupe est suivi de peu par Odette et sa psychothérapeute : une doublure a pris la place d'Andréa Bescond pendant la séquence, à la faveur d'un raccord ou d'un mouvement de caméra ingénieux.

Ces croisements passé-présent vont également confronter le spectateur à des moments plus éprouvants, comme lorsqu'Odette et sa psy « assistent », adossées à un mur qui les sépare de la scène, au viol d'Odette dans le chalet de vacances à la montagne. La psychothérapeute d'Odette devient alors un témoin direct du traumatisme vécu par Odette enfant et lui permet de comprendre enfin, en lui révélant la vérité, qu'elle a été victime de viols pendant plusieurs années : Odette interroge sa thérapeuteà propos de ces abus sexuels vécus enfant : « Mais pourquoi il [Gilbert] continuait? Il voyait bien que je n'aimais pas ça! » Sa thérapeute lui répond : « Odette, c'était un viol! ».

La séquence avec Manu aux États-Unis est peut-être la plus fantaisiste tant au niveau du mélange intime des époques que de la confusion entre réalité et imaginaire (voir ci-dessous).

Enfin, à la toute fin du film, Odette adulte retrouve l'enfant qu'elle était et la prend sous son aile, une aide bien précieuse que l'enfant n'avait pu trouver chez aucun adulte à l'époque des abus sexuels.

Quelques scènes classables dans la catégorie n° 2 : 3, 4, 5, 8, 17, 23 et 25.
Remarque : fondamentalement irréalistes, ces séquences, qui font coexister des époques différentes dans un même espace-temps, peuvent également être classées dans la catégorie n°3, « Mélange entre réel et imaginaire ». De la même manière, on pourra classer la scène 25 dans la catégorie n°4.

Réel et imaginaire

À de nombreuses reprises dans le film, lorsque Odette raconte à sa thérapeute des événements de sa vie, elle se projette dans ses souvenirs et… les revisite!

De l'opéra au krump et du krump à l'opéra

Ainsi, Odette raconte son arrivée à Paris dans une maison d'accueil, où la seule déco de sa chambre consiste en un poster de Rudolph Noureev, célèbre danseur et chorégraphe russe, que son père a accroché à la porte de sa chambre. À cette époque, elle rêvait souvent de se retrouver à l'Opéra Garnier en compagnie de cet illustrissime danseur. Dans le film, le poster de Noureev s'anime et le danseur l'emmène avec lui sur scène. En revisitant ce souvenir, Odette adulte s'autorise à son tour à se rendre sur la scène de cet opéra emblématique, haranguant des spectateurs imaginaires auxquels elle ferait une démonstration de krump, une danse urbaine venue des États-Unis.

Rêver le réel avant de le vivre

Dans le même registre, on voit Odette révéler à Manu puis à ses deux amies qu'elle a été violée enfant par un ami de la famille. Ces scènes expriment un phantasme d'Odette, celui de révéler la vérité à son entourage. Selon sa psy, imaginer révéler la vérité serait déjà un premier pas important pour faire advenir cette éventualité dans la réalité.

Voyage improbable aux « States » avec Manu

À travers le souvenir revisité de son séjour aux États-Unis, l'on comprend qu'Odette aurait voulu faire ce voyage, qui était important pour elle, avec son meilleur ami. Mais à cette période — ou en tout cas au moment de sa thérapie — Manu est en prison. Jusqu'à présent Odette était toujours seule dans ces « phantasmes de souvenirs », mais ici, Manu intervient lui aussi : il comprend qu'il est dans un souvenir et non aux États-Unis parce qu'il était en prison à cette époque — et y est peut-être toujours au moment de la thérapie d'Odette.

Toute la séquence est marquée par l'humour qui naît de ce mélange entre le réel et l'imaginaire.

Une porte d'accès à ses souvenirs

La porte rose de la salle de bain d'enfant d'Odette apparaît à deux reprises hors de son environnement : au début du film à la première séance de psychothérapie dans le bureau de la psy et à la fin du film quand Odette sort de sa dernière séance, dans la cour. Cette porte symbolise bien entendu l'enfance d'Odette, mais aussi tous les souvenirs et traumatismes qu'elle a vécus et qui peuvent être restés pendant longtemps « stockés » derrière cette porte imaginaire. En traversant cette porte par deux fois, on peut comprendre qu'Odette accède la première fois à sa mémoire traumatique avec l'aide de sa psychothérapeute et la seconde fois à une nouvelle vie en tant que personne résiliente.

Quelques scènes classables dans la catégorie n° 3 : 3, 7, 10, 14, 17, 18, 23, 24, 25

Danses, transes et espaces vides

Les séquences tournées sur fond noir auront certainement interpellé les spectateurs. Le film s'ouvre d'ailleurs par l'une d'elles : on y voit Odette/Andréa Bescond en jeans, basket et polo kaki danser de manière plutôt lente. Un peu plus tard, elle entraîne Lenny avec elle dans cet espace vide. Le film s'achève également sur une séquence tournée dans un espace vide, lorsqu'Odette franchit la porte imaginaire pour, littéralement, se « retrouver ».

Le film est ponctué de nombreuses autres séquences dansées, souvent très fortes et très expressives : ainsi, au conservatoire au cours d'un exercice sur les émotions, Odette exprime sa douleur d'enfant. Lors de la tournée de la comédie musicale Roméo et Juliette, toute la troupe vêtue de rouge sang suit Odette dans une chorégraphie très tourmentée — une autre que l'on pourrait classer dans le registre «phantasme d'un souvenir ». Enfin, au moment de témoigner au procès de Gilbert Miguié, la parole d'Odette est remplacée par un geste, une esquisse de danse.

Quelques scènes classables dans la catégorie n° 4 : 1, 7, 10, 13, 16, 17, 23, 25

[Les autres commentaires sont visibles dans le dossier imprimé.]


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