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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Illégal
de Olivier Masset-Depasse
Belgique, 2010, 1h35

Le dossier pédagogique consacré au film Illégal propose aux enseignants qui verront ce film avec leurs élèves (entre quatorze et deix-huit ans) plusieurs animations à mettre en œuvre après la projection. Ces animations permettront de revenir sur les points de vue des différents personnages, de réfléchir ensuite aux différents choix de scénario et de mise en scène du cinéste Olivier Masset-Depasse, d'analyser enfin de manière plus précise la situation des réfugiés et des demandeurs d'asile en Belgique. Cette approche du film Illégal retiendra également l'attention des animateurs en éducation permanente qui souhaiteraient débattre de ce film avec un large public d'adultes.

Les points de vue qui s'expriment dans le film

Le film d'Olivier Masset-Depasse est un pamphlet manifeste contre la rétention en centres fermés des personnes entrées irrégulièrement sur le territoire belge. Dans Illégal, le réalisateur donne une description assez exhaustive des attitudes adoptées à leur égard par divers intervenants ‹ les avocats, l'Office des Étrangers, la police de l'immigration, les gardiens des centres fermés, les psychologues attachés aux expulsionsŠ ‹ mais également par la population civile amenée à les côtoyer « par accident », au cours d'expulsions ou tentatives d'expulsions (ainsi dans le film, les passagers du vol Bruxelles-Varsovie et leur commandant de bord) et dont les réactions se trouvent à l'origine d'un retentissement médiatique salutaire.

C'est donc à une réflexion autour de ce panel d'attitudes que nous convions maintenant les participants, répartis de préférence en petits groupes. Une telle approche, qui amène naturellement à s'intéresser à différents points de vue, nous semble en effet un bon moyen d'entamer une première analyse nuancée de la situation et de préparer un débat à propos de certaines idées reçues ou de la politique menée par les autorités à l'égard des personnes installées irrégulièrement sur le territoire belge.

Dans cette perspective, commençons par récapituler avec eux les différents intervenants (personnes ou instances) du film :

  • l'Office des Étrangers
  • la police et les agents de sécurité
  • Lieve (la gardienne la plus sympathique)
  • la psychologue
  • le personnel social et médical du centre
  • l'avocat de Tania
  • les médias
  • les passagers et le commandant de bord du vol Bruxelles-Varsovie

Š puis demandons-leur s'ils se souviennent :

  • du nombre de fois où ils interviennent ;
  • des circonstances dans lesquelles ils interviennent ;
  • de ce qu'il font et/ou de ce qu'ils disent.

Les participants partageront en grand groupe le résultat de leurs observations, qui pourront s'enrichir des commentaires présentés en encadré aux pages suivantes. Ces commentaires ne doivent toutefois pas être considérés comme des modèles mais comme des incitants au débat et à la réflexion.

Commentaires

En s'attachant plus précisément aux différentes figures qui interviennent dans le film, on remarque que le réalisateur a dressé dans Illégal un portrait très complet de la situation des sans-papiers en Belgique, en abordant notamment les différentes postures sociales et individuelles vis-à-vis de la politique menée à leur encontre. Cette description permet entre autres de se rendre compte de l'impasse dans laquelle ils se retrouvent piégés lorsqu'ils sont placés en centre de rétention, ceci en dépit de l'encadrement faussement humanisé dont ils bénéficient : médecins, infirmières, assistantes sociales et psychologues font ainsi partie d'un personnel institutionnalisé qui, au même titre que le personnel de sécurité, est placé sous l'autorité du Ministère de l'Intérieur. Ce statut en fait de simples fonctionnaires privés de l'autonomie nécessaire pour exercer librement leur profession ; on constate encore que, sous le couvert de grandes figures humanitaires censées prodiguer des soins et du soutien, ceux-ci sont en réalité utilisés pour une mission carrément inverse : contrôler les pensionnaires, leur faire accepter leur sort, voire dompter leur rébellion.

L'Office des Étrangers

Dans Illégal, l'Office des Étrangers n'est pas clairement désigné. Une première allusion à la politique qu'il mène apparaît cependant très tôt dans le film lorsque, au cours du prologue, Tania chiffonne l'ordre d'expulsion immédiate qu'elle a reçu et qu'elle décide d'effacer ses empreintes digitales en se brûlant le bout des doigts avec un fer à repasser. Ce geste douloureux, qui témoigne de sa détermination à échapper aux contrôles et à rester en Belgique coûte que coûte, laisse entendre que l'Office des Étrangers mène une véritable traque pour repérer et identifier les personnes en situation irrégulière, ceci en vue de les expulser.

Cette politique se confirme ensuite quand, huit ans plus tard et trois semaines après son arrestation, elle est confrontée une première fois à un fonctionnaire de l'Office. Cet homme lui annonce qu'ils sont en train d'effectuer des recherches dans leurs fichiers et que tôt ou tard, ils sauront qui elle est et d'où elle vient. Pour intimider Tania, il ajoute qu'elle va être poursuivie pour usage de faux, ce pour quoi elle risque la prison. Quelques jours plus tard, Tania est à nouveau amenée dans le bureau du fonctionnaire, bien décidé cette fois à obtenir ce qu'il veut. Pour lui mettre une pression maximale, il dit qu'il va l'envoyer en prison sur base du témoignage du policier qui a procédé à son arrestation, et ajoute qu'il espère que personne ne l'attend dehors. Cette méthode fondée sur le chantage fait craquer Tania, qui demande l'asile politique sous une fausse identité. Or en raison des accords de Dublin, l'Office déclare la Belgique incompétente pour traiter sa requête et décide de l'expulser vers la Pologne, où Zina Boulibianik avait déjà introduit une première demande (ce que Tania ignorait avant d'usurper l'identité de son amie).

La police et les agents de sécurité

Ce qu'il y a d'impressionnant dans le film, c'est qu'aucun des agents de l'ordre, que ceux-ci soient policiers ou agents de sécurité employés directement par l'Office des Étrangers, ne porte un uniforme qui le signale comme appartenant aux forces de l'ordre. Excepté dans le commissariat où elle est emmenée pour un contrôle d'identité (sous forme d'un relevé d'empreintes), tous, y compris ceux qui procèdent à son arrestation à la sortie du bus, sont des hommes en civil d'apparence « inoffensive ».

Cette banalité explique le stress et la méfiance extrême de Tania, qui sait que le danger peut survenir partout et à n'importe quel moment sans qu'il n'y ait le moindre indice ou signe avant-coureur. On peut sans doute assimiler cette volonté d'anonymat à une technique destinée à maintenir un climat d'inconfort et d'angoisse permanent au sein de la population irrégulière : les individus qui font le « sale boulot » sont des gens comme tout le monde.

Un autre constat concerne le recours à la violence physique, psychologique et morale à l'égard des personnes qui n'acceptent pas les mesures d'éloignement qui leur sont imposées. Les actes ou traces de cette violence sont ainsi visibles à plusieurs moments du film : au cours de la première nuit que Tania passe au centre, on amène Aïssa, une jeune femme d'origine africaine qui peine à se déshabiller tant elle a reçu des coups. Après un mois, toutes deux sont emmenées à l'aéroport sous escorte, dans une fourgonnette sécurisée. Tania est menottée tandis que sa compagne est bâillonnée, attachée aux poignets et aux chevilles et sanglée sur la banquette. À l'arrivée, Tania subit une fouille corporelle et est enfermée dans un cachot jusqu'à l'embarquement. Comme elle refuse de monter à bord de l'avion, elle est ramenée au centre et assiste la nuit même au retour d'Aïssa, ramenée en chaise roulante et défigurée par les coups. Parvenue au bout de ses capacités à résister, la jeune femme se suicide dans les douches où Tania l'avait aidée à se rendre.

Deux semaines plus tard, Tania est conduite une nouvelle fois à l'aéroport en fourgonnette : à son tour, elle est doublement sanglée sur la banquette, bras et jambes attachés. Une fois dans l'avion, elle se débat avec force et l'un de ses accompagnateurs lui coupe la respiration à deux reprises en lui faisant une clef au bras appliquée dans le dos. Comme elle tente d'interpeller les passagers du vol, ils la bâillonnent et, de retour dans la fourgonnette, ils se mettent à la rouer de coups très violents à travers un matelas, histoire de laisser le moins de traces possible. Ce passage à tabac conduit tout droit Tania, inconsciente, en chambre de réanimation à l'hôpital.

Cette violence extrêmement grave qui peut conduire à la mort ou au coma est par ailleurs soigneusement cachée (les actes les plus violents sont commis à l'abri des regards, à l'intérieur de la fourgonnette). Elle contraste avec le souci exprimé par l'Office des Étrangers de garantir le bon déroulement des opérations d'éloignement en filmant celles-ci. C'est donc bien l'hypocrisie d'une telle mesure qui est soulignée ici.

Lieve (la gardienne la plus sympathique)

Alors qu'à l'intérieur du centre, les gardiennes se comportent comme des agents pénitentiaires, Lieve semble beaucoup plus sensible à la situation des détenues et à leurs conditions de vie. Elle tente d'ailleurs de venir en aide à Tania dès son arrivée en lui proposant une corvée alors que le staff est au complet pour tous les jours qui suivent, de façon à ce qu'elle puisse acheter une carte de téléphone le plus rapidement possible. Trois semaines plus tard, pendant la promenade, Lieve sort pour fumer une cigarette et profite de l'occasion pour se rapprocher d'Aïssa et de Tania. D'emblée, Aïssa lui demande ce qu'elle fabrique là. « J'ai deux gosses, voilàŠ J'ai besoin d'un travailŠ » répond Lieve, qui ajoute que c'est le seul boulot qu'elle a pu avoir. Aïssa ne comprend pas : « C'est pas parce qu'on a deux gosses à nourrir qu'on accepte de faire un boulot pareil ! Et tes gosses, y z'en pensent quoi que leur mère garde des enfants et des innocents en prison ?! ». Mais Lieve n'accepte pas d'être jugée.

Un peu plus tard, quand Tania lui demande qu'Aïssa soit transférée à l'hôpital suite aux coups qu'elle a reçus pendant sa dernière tentative d'expulsion, elle répond qu'elle n'a pas le pouvoir de prendre cette décision. Se rendant toutefois compte que les détenues subissent des traitements violents et dégradants, Lieve demande à Tania si c'est si dur que ça de rentrer au pays, si ça vaut le coup de vivre toute cette merde. « Qu'est-ce que tu crois ? Qu'on est maso ? Qu'est-ce que tu veux savoir ? Tu veux savoir si j'ai assez souffert pour pouvoir rester dans ton pays ? » Enfin, juste après, lorsqu'elle est appelée pour s'occuper du cadavre d'Aïssa, Lieve craque : elle s'enfuit en se débarrassant de son costume et de ses attributs de gardienne.

À travers ses attentions, ses questions et son comportement, on remarque au fil du temps chez Lieve une évolution qui la mène d'une certaine bienveillance ou compassion à une prise de conscience elle-même à l'origine d'un véritable engagement puisque le suicide d'Aïssa provoque finalement sa démission immédiate. Bien plus qu'une simple réaction épidermique, son geste doit être interprété comme le point d'aboutissement d'un vrai cheminement personnel.

La psychologue

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Le personnel social et médical du centre

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L'avocat de Tania

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Les médias

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Les passagers du vol Bruxelles-Varsovie

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