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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Le Pianiste
de Roman Polanski
France/Pologne/Allemagne, 2002, 2h28

Le dossier pédagogique dont on trouvera un court extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants du secondaire qui verront le film Le Pianiste avec leurs élèves (entre quinze et dix-huit ans environ). Il contient plusieurs animations qui pourront être rapidement mises en oeuvre en classe après la vision du film.

Le Pianiste, le sens d'une biographie

Le film de Roman Polanski pose sans doute peu de problèmes de compréhension au niveau des événements qu'il rapporte. Seul le contexte historique mérite certaines précisions qui ont fait l'objet de l'animation précédente. Néanmoins, une petite discussion avec les jeunes spectateurs permettra peut-être de pointer certaines ambiguïtés: ainsi, il est possible qu'il y ait une confusion entre les deux femmes qui aident Wladek dans la clandestinité. Lorsque Wladek décide de fuir le ghetto, il demande l'aide d'un couple d'amis dont l'épouse, Janina (Glodewska), est cantatrice: elle ne doit pas être confondue avec Dorota, la sœur de Jurek, qui apparaît au début du film dans l'immeuble de la radio pendant le bombardement et qui est violoncelliste. C'est à celle-ci que Wladek s'adressera une dernière fois avant d'entrer dans le ghetto. Mais, lorsque Wladek, doit quitter précipitamment sa première planque (où de la vaisselle renversée a révélé sa présence), il se rend chez un résistant inconnu dont il a l'adresse sur un bout de papier caché dans sa chaussure, et il se retrouve face-à-face avec une jeune femme enceinte, Dorota. L'émotion de ces retrouvailles est bien perceptible, à la fois parce qu'il ne s'attendait pas à retrouver cette jeune admiratrice avec qui il avait commencé une relation vaguement amoureuse et parce qu'il découvre qu'elle est mariée et enceinte (elle lui annonce par ailleurs que son frère Jurek est mort).

Mais Le Pianiste pose un problème plus essentiel car il nous confronte à une expérience exceptionnelle, extrême, effroyable que certains spectateurs peuvent difficilement partager tant elle est éloignée de tout ce qu'ils ont eux-mêmes vécu. Si tous nous comprenons l'horreur de la situation évoquée, pouvons-nous réellement percevoir le désespoir d'un homme qui, en quelques instants à peine, a vu disparaître toute sa famille mais également tout le monde, tout l'univers auquel il appartenait et qui a complètement disparu en quelques mois? De ce point de vue, les images du début du film de la Varsovie avant-guerre, en noir et blanc, ne sont pas du tout anodines et ne nous renvoient pas seulement à un passé révolu: elles nous montrent une ville qui a été complètement détruite, maison par maison, dont l'histoire a été volontairement effacée et dont le tiers de la population a été massacré sans que personne ne conserve la mémoire vivante de ces différentes personnes (comme les enfants peuvent conserver la mémoire de leurs parents disparus et reconnaître sur des photos des êtres chers).

Il n'est évidemment pas possible de partager totalement une telle expérience, mais il est sans doute important de souligner, auprès des jeunes spectateurs, la complexité, la profondeur et parfois l'étrangeté des sentiments qu'a pu éprouver quelqu'un comme Wladyslaw Szpilman. C'est le but de l'animation proposée à présent.

Déroulement et commentaires

L'animation n'a de sens que si les participants (ou au moins une partie d'entre eux) se révèlent immédiatement sensibles au film. L'animation pourra prendre la forme d'une discussion libre en utilisant si nécessaire le questionnaire repris dans l'encadré qui suit. Il n'y a sans doute pas de réponses «justes» aux questions posées: le but de l'animation est plutôt de faire percevoir l'ambivalence de sentiments qui ont pu agiter Szpilman. Ainsi, pour le spectateur, la libération de Varsovie est sans doute vécue comme un soulagement, comme un terme à l'épreuve endurée par le personnage: mais l'on peut également penser que ce soulagement devait être contrebalancé chez Szpilman par le sentiment d'une perte irrémédiable qui aurait pu rendre tout retour à la vie «normale» impossible, comme ça a été le cas pour de nombreux survivants qui ont préféré quitter la Pologne et s'installer aux États-Unis ou en Israël. C'est vers ce type de réflexion soulignant la complexité des réactions humaines, en particulier dans des situations extrêmes [1], que l'animation devrait tendre.

Pour faciliter cette réflexion, l'on peut notamment attirer l'attention des participants sur les trois grands types de raisons qui peuvent expliquer une réaction individuelle.

  • La plus couramment utilisée est l'explication psychologique par le caractère individuel: ainsi au début du film, lorsque Wladek dissuade Dorota de protester auprès des propriétaires du café qui est désormais interdit aux Juifs, l'on peut penser qu'il n'aime pas faire des esclandres et qu'il n'est pas porté, contrairement à son frère, à la révolte.
  • Une deuxième raison est l'évaluation de la situation objective et des chances de succès de l'action entreprise: dans ce cas-ci, il est vraisemblable que Wladek a déjà compris que toute protestation est inutile et qu'elle ne pourrait que leur attirer des ennuis.
  • Enfin, l'individu peut réagir en fonction des réactions des personnes qui l'entourent et de ses relations avec ces personnes. Seul, Wladek aurait peut-être réagi (mais ce n'est pas certain), mais la présence même de Dorota rend cette réaction beaucoup plus difficile car c'est l'exposer elle à un danger qu'elle ne mesure sans doute pas.

Ces différentes raisons peuvent agir dans le même sens, dans ce cas-ci refuser l'esclandre, mais peuvent également se révéler contradictoires: c'est une telle contradiction qui fait tout le caractère tragique de la situation de Wladek lorsqu'il est séparé, contre sa propre volonté, du reste de sa famille condamnée à mort mais dont il veut partager le sort.


[1] Sur ce type d'expériences, l'on peut se reporter notamment à l'ouvrage de Michael Pollak, L'expérience concentrationnaire. Essai sur le maintien de l'identité sociale. Paris, Métaillé, 1990. L'autobiographie de Primo Levi, Si c'est un homme, Paris, Julliard (Pocket), 1987, donne également un éclairage décisif sur les conditions psychologiques de survie dans de telles situations (notamment dans le chapitre «Les élus et les damnés», p. 93-108).

 


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Comment réagir face à l'extrême?

  • Dans les premiers jours de l'occupation, Wladek se promène avec la blonde Dorota et veut l'inviter dans un café. Mais, précédant les injonctions allemandes, les propriétaires polonais ont interdit désormais l'entrée aux Juifs. Dorota veut protester mais Wladek l'en dissuade. À sa place, comment auriez-vous réagi?
  • Lorsque la famille Szpilman apprend par la presse que les Juifs vont être obligés de porter une étoile sur le bras, ils se récrient et déclarent qu'ils refusent d'être marqués. Pourtant quelques jours plus tard, ils portent tous le brassard avec l'étoile de David. Pourquoi, à votre avis, se sont-ils soumis à cette exigence nazie?
  • Lorsque la famille de Szpilman est déportée, Wladek s'emporte quand il voit que son frère et sa soeur, qui avaient échappé à la sélection, se sont rendus volontairement. «C'est trop bête» grommelle-t-il. Mais lui-même, lorsqu'un policier le tire brutalement du convoi de déportés, refuse d'abord de quitter sa famille et essaie de la rejoindre malgré les policiers. Pourquoi réagit-il différemment quand il s'agit de son frère ou de lui-même?
  • Lorsqu'ils marchent vers le train de la déportation, Wladek dit à sa soeur qu'il aurait voulu mieux la connaître. Comment comprenez-vous cette réflexion? Pensez-vous que Wladek a réellement dit cela ou qu'il s'agit plutôt d'un sentiment qu'il a éprouvé ultérieurement, bien après la déportation?
  • Au moment de la déportation, Wladek préfère mourir plutôt que d'être séparé de sa famille. Pouvez-vous comprendre qu'il ait ensuite choisi de continuer à vivre? Wladek vous paraît-il un individu particulièrement acharné à survivre?
  • Après les grandes déportations, Wladek s'entretient avec un compagnon des réseaux de résistance qui se mettent en place. Pourquoi, à votre avis, Wladek a-t-il choisi de fuir le ghetto plutôt que de partager le sort de ses compagnons? Et qu'a-t-il pu éprouver en voyant les combats de l'insurrection du ghetto de Varsovie?
  • Wladek ne manifeste apparemment aucune haine à l'égard des Allemands ni même à l'égard des nazis. Pourtant lui-même échappe à une sélection terrible, un soldat allemand faisant sortir sept hommes du commando dont il faisait partie et les abattant froidement. Quel sentiment a-t-il pu éprouver à ce moment-là? De la haine, ou seulement de la peur, ou même le soulagement d'avoir échappé à la mort?
  • À votre avis, quel sentiment Szpilman a-t-il pu éprouver à l'égard du policier juif qui aidait aux déportations mais qui lui a sauvé la vie, du sous-officier allemand qui l'a surpris en train de faire de la contrebande mais ne l'a pas abattu sur place, du Polonais Szalas qui a fait de l'argent sur son dos mais a «oublié» de le nourrir dans sa cachette? Qui des trois devait-il détester le plus?
  • Quel rôle joue à votre avis la musique dans la vie de Szpilman? Est-ce une passion, une raison de vivre, un dérivatif?
  • Comment avez-vous ressenti le morceau de musique que joue Szpilman devant l'officier allemand? Pouvez-vous préciser les émotions que vous avez éventuellement ressenties?
Vous pouvez également découvrir sur le site des Grignoux un extrait du dossier pédagogique consacré au film de Roman Polanski, Oliver Twist.

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