Lion d'or au festival de Venise 2016
Ce grand cinéaste philippin séduit avec une fresque romanesque entêtante autour de la vengeance d’une femme sortant de prison.
Grâce au Lion d’or qu’il a remporté à Venise en 2016, le Philippin Lav Diaz, auteur d’une quinzaine de longs métrages, commence enfin à exister en Europe. On pourrait être rebuté par la durée du film, mais elle est modérée au regard de la filmographie de Diaz, dont certaines œuvres dépassent les neuf heures.
Cela n’empêche pas le cinéaste d’avoir construit, avec une poignée de personnages, un formidable geste romanesque que la nuit, le noir et blanc, la durée, les plans-séquences nimbent de mystère et rendent plus dense et profonde. Cela s’inspire au départ d’une nouvelle de Tolstoï, Dieu voit la vérité. Mais Diaz a surtout utilisé ce texte comme prémices à son récit.
Une femme d’un certain âge, Horacia, qui croupit injustement en prison pour meurtre depuis trente ans, est libérée lorsqu’on découvre la vraie coupable. La suite ne figure pas dans la nouvelle de Tolstoï : Horacia part à la recherche de sa famille dispersée, ainsi que du commanditaire du crime.
La force vibrante du film surgit par les interstices. Elle naît des interactions banales entre marginaux des bas-fonds qui traînent dehors la nuit et que Horacia fréquente : un bossu, vendeur ambulant de baluts (œufs couvés dont les Philippins sont friands), un transsexuel désespéré, une SDF un peu folle.
On n’est pas tellement étonné que Lav Diaz soit attiré par la littérature russe (il a également adapté Dostoïevski), la seule à triturer autant l’âme et les tourments moraux, le hiatus entre religieux et profane, sainteté et perdition. Ce cinéma minimaliste construit petit à petit une cathédrale de la déréliction au lyrisme inouï.