Un classique de l’expressionnisme allemand et l’une des premières grandes réussites du cinéma fantastique
En 1838, Hutter, jeune clerc de notaire, part conclure une vente avec un châtelain des Carpates. Après des rencontres menaçantes et de funestes présages, il est reçu par le comte Orlock, qui n’est autre que la réincarnation du vampire Nosferatu, créature qui ne peut vivre qu’en suçant le sang des humains.
« Poème d’amour métaphysique » selon Jacques Lourcelles, Nosferatu est le premier grand jalon dans la filmographie de Murnau, considéré, avec Fritz Lang, comme le maître de l’expressionnisme allemand. Une allégorie superbe sur l’existence et le devenir de l’homme traverse tout le film, la mort se nourrissant de la mort et le sacrifice s’avérant indispensable à la préservation de l’équilibre du monde. Si le jeu de Max Shreck et la théâtralité de ses apparitions confortent l’expressionnisme, Murnau dépasse les conventions de studio pour de saisissantes échappées dans la nature (les séquences sur le bateau), qui offrent au récit une respiration et une dimension romantique inattendue, qui culmineront avec L’aurore, son chef-d’œuvre américain.
(Re)découvrir Nosferatu, c’est également mesurer les non-dits et sous-entendus sexuels, la morsure du comte tenant lieu de métaphore de baiser entre deux hommes, à une époque où le cinéma n’abordait cette thématique que par des symboles et des allusions indirectes. Nosferatu n’en apparaît que plus ténébreux, le meurtrier personnifiant aussi le trouble du désir sexuel refoulé. Cette dimension du film de vampires sera explicitement mise en évidence par Neil Jordan dans le sulfureux Entretien avec un vampire (1994).