Voilà un petit bijou atypique et savoureux, à la fois farce théâtrale cruelle et critique acide du désenchantement politique dans un pays en plein traumatisme post-Brexit.
Janet (Kristin Scott Thomas), brillante femme politique, a décidé de fêter par un dîner dans sa maison londonienne sa récente nomination comme ministre de la Santé. Initiative qui laisse de marbre son mari Bill, universitaire désabusé (le génial Timothy Spall, acteur fétiche de Mike Leigh), qui reste étrangement absent et taciturne, enchaînant les verres et passant obstinément des vieux disques sans daigner prononcer un mot. Arrivent progressivement les invités : April, la meilleure amie de Janet, et son mari fantasque, Gottfried, un naturopathe allemand doué pour dire ce qu’il ne faut pas exactement au moment où il ne faut pas, un couple lesbien, Martha et la jeune Jinny qui attend un heureux événement, et le jeune banquier Tom qui semble particulièrement nerveux.
Ce qui devait être un moment heureux et serein de fête ne va évidemment pas tourner comme prévu, chacun ayant son secret à déballer, et le salon cosy va devenir le chaudron explosif de tous les psychodrames, de petites trahisons entre amis en coucheries inavouables… Tout ça sur fond de carrière politique affairiste terriblement symbolique de cette Angleterre qui a vu le blairisme effacer toute frontière entre la gauche et la droite et qui a mis au cœur de la politique le tout économique et les affairistes en guise de leaders d’opinion.
La comédie cruelle qui se joue dans The Party est donc aussi une réflexion sur un pays qui a perdu ses si chères valeurs démocratiques et ses idéaux prétendument égalitaires. La réalisatrice Sally Potter – inégale mais dont on n'a jamais oublié le très beau Orlando d’après Virginia Woolfe avec la fabuleuse Tilda Swinton – revient ici à son meilleur et cisèle un huis clos aux petits oignons, théâtre de la cruauté aux rebondissements stylisés par un élégant noir et blanc.