Pour leur première expérience du long métrage, les frères Renier signent un thriller familial qui suit le corps-à-corps entre deux sœurs liées par des rapports fusionnels et ambigus.
Le film démarre sur une scène de casting. Mona doit jouer ses retrouvailles avec un cheval blessé qu’elle a dû abandonner. Elle s’implique totalement malgré le grotesque de la situation. Elle a toujours rêvé d’être actrice. Mais les temps sont durs et la chance ne lui sourit pas. Par contre, Sam, sa soeur cadette, est devenue une actrice de renom. À l’aube de la trentaine, à court de ressources, Mona est contrainte d’emménager chez Sam qui, fragilisée par un tournage éprouvant, lui propose de devenir son assistante.
Les frères Renier ont eu l’intelligence d’éviter toute forme de bavardage, de circonvolutions psychologisantes pour aller à l’essentiel : le corps des deux soeurs. Dans un premier temps, ces derniers se coulent dans une même origine baignée des couleurs et du souffle de la Méditerranée. Mais la beauté de Mona se cache derrière de trop encombrantes lunettes, une posture trop raide et une extrême réserve.
Mona s’installe d’emblée dans la position de celle qui va servir, essuyer les plâtres. Elle s’efface au profit des autres. Par contre, Sam est un feu d’artifice pemanent. Tout semble lui réussir. Elle exulte, met en scène et en lumière son extrême sensualité. Mais son trop plein d’énergie, sa manière de suivre aveuglément ses impulsions va lui jouer des tours. Elle sera incapable de gérer la pression malveillante d’un metteur en scène tyrannique qui la pousse dans ses derniers retranchements pour une interprétation de la Justine de Sade.
Exténuée, Sam va progressivement perdre pied. Elle néglige peu à peu son rôle d’actrice, d’épouse, de mère. Ces rôles que Sam délaisse, Mona comprend vite qu’elle doit s’en emparer…
Cette sourde rivalité entre les deux soeurs ne sera jamais expliquée. Elle se décline inexorablement sous nos yeux jusqu’au moment où on assiste à la mue de Mona qui se glisse dans l’espace délaissé par sa soeur. Parmi les bonheurs du film, on retiendra cette manière d’évoquer frontalement un monde du spectacle qui se décline comme une machinerie sans état d’âme et se nourrit de la chair sacrifiée de ses acteurs. Et bien entendu, on est sidéré par la performance du duo formé par Leïla Bekhti et Zita Hanrot.
Un ballet éprouvant entre fascination, complicité charnelle et rage viscérale.
© DANY HABRAN, LES GRIGNOUX