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Une analyse proposée par les Grignoux
et consacrée au film
Les Combattants
de Thomas Cailley
France, 2014, 1 h 40


Le film

Les Combattants, premier long métrage de Thomas Cailley, met en scène un jeune homme, Arnaud, à la croisée des chemins. Son frère lui propose de reprendre avec lui l'entreprise familiale de menuiserie, mais sa mère lui conseille de réfléchir avant de s'engager. Pour le moment, Arnaud pense plutôt à profiter des vacances. C'est sur la plage qu'il rencontre Madeleine, une jeune fille déterminée, qui se prépare à participer à un stage militaire. Autant Arnaud est indécis face à l'avenir, autant Madeleine sait ce qu'elle veut. C'est peut-être cette assurance qui attire Arnaud : il va s'inscrire lui aussi au stage de préparation à l'armée.

Destination

Ce film aux accents de comédie avec quelques pointes plus dramatiques pose des questions essentielles à l'adolescence, et même au-delà sans doute : quelle vie est-ce que je désire ? quels choix vais-je faire ? en fonction de quelles convictions ? Et plus largement, quel est notre futur ? … positif, négatif ou carrément catastrophique comme semble le redouter Madeleine, l'héroïne des Combattants ? Ainsi, le parcours des deux personnages pourra certainement interpeller les spectateurs, dans la mesure où il les invite à se positionner par rapport à ces questions essentielles.

Analyse

Les personnages de Madeleine et Arnaud contrastent, mais leur relation va évoluer au cours du récit. Nous voudrions ici analyser ce récit, c'est-à-dire définir le «mouvement» des personnages et les éléments qui les font agir, se déplacer, changer d'avis, etc.

Pour donner une base à cette analyse, souvenons-nous de cette phrase : «C'est l'histoire d'un garçon qui suit une fille, et puis de la fille qui suit le garçon.» Quand, comment et pourquoi Arnaud suit-il Madeleine ? Quand, comment et pourquoi ce mouvement s'inverse-t-il ? En d'autres mots, pourquoi Arnaud s'intéresse-t-il à Madeleine et comment cet intérêt se traduit-il ? Puis, pourquoi Madeleine commence-t-elle à s'intéresser à Arnaud et comment cela se traduit-il ? Essayons de décrire l'ensemble du film sous cet angle.

De la confrontation à l'entente

La rencontre entre Arnaud et Madeleine se fait dans le registre de la confrontation : l'exercice de lutte organisé par l'armée. Malgré la domination de Madeleine, Arnaud se libère de sa prise en la mordant, ce qui est une manœuvre assez déloyale. Leur rencontre suivante est également houleuse puisque la jeune femme dénigre vertement les propositions de cabane qu'Arnaud fait à ses parents. Mais là encore, malgré l'apparente domination de Madeleine, on pourrait dire que c'est le garçon qui l'emporte puisque les parents Beaulieu commandent une cabane contre l'avis de leur fille.

Photo du filmArnaud s'intéresse visiblement à Madeleine : il l'observe avec un regard très différent de celui de Manu quand elle s'apprête à plonger dans la piscine avec son sac à dos lesté de tuiles; ensuite, il accourt au bord, comme pour lui venir en aide, avant de voir qu'elle nage sans difficulté. Peut-être est-ce la détermination de Madeleine, son caractère un peu bizarre qui intriguent Arnaud. Bientôt, il s'excuse auprès d'elle pour la morsure et lui offre ses services, comme s'il voulait que leur relation sorte du registre de la confrontation.

L'épisode du furet commence aussi sur le ton de la confrontation : Arnaud fait une pause dans son travail, se sert d'une boisson dans le frigo et se fait interpeller par Madeleine au bord de la piscine  : « Ça va ? T'es pas gêné ? » Mais c'est Arnaud qui récupère le furet tombé dans l'eau et propose à Madeleine de devenir sa nouvelle maman… Elle déclare que les animaux n'ont pas de sentiments, avec l'histoire du chat qui vous dévore le visage. Arnaud évoquera plus tard cette histoire avec Xavier, ce qui montre qu'il est intéressé par ce que dit Madeleine et qu'il pense à elle, alors qu'il discutait avec ses copains un instant auparavant.

Un peu radoucie, Madeleine accepte la proposition d'Arnaud de se faire emmener sur la côte pour aller au stand de l'armée. Là, elle découvre qu'Arnaud connaît le recruteur, ce qui commence à susciter son intérêt pour le jeune homme, mais l'orage les oblige à faire un arrêt où elle explique son projet de stage de préparation au commando. Arnaud explique ce que le recruteur lui a appris et ils s'exercent à la «double visualisation». Là où Madeleine frappe fort, avant même qu'Arnaud ait fini de lui expliquer comment s'y prendre, il hésite à porter son coup et son regard s'attarde sur le visage et le débardeur mouillé de la jeune fille… Arnaud est visiblement attiré sexuellement par Madeleine.

La co-responsabilité de Madeleine dans le désastre de la cabane effondrée (c'est pour elle qu'Arnaud a quitté le chantier…) va en quelque sorte sceller une entente cordiale. Madeleine apporte un cadeau à Madame Labrède (des poussins congelés pour le furet!), est invitée à dîner et explique sa théorie de fin du monde à la famille. Madame Labrède est perplexe, Manu ironise, mais Arnaud ajoute à la liste des menaces l'épidémie de coronavirus… Il est le seul à table à ne pas considérer « négativement » la pensée de Madeleine.

Plus tard, Arnaud invite Madeleine à prendre un verre un soir. «Pourquoi ?» répond-elle. « Comme tu pars lundi au stage… » répond Arnaud. Cette scène illustre bien l'état de leur relation : Arnaud est évidemment attiré par Madeleine et envisage une relation amoureuse (Madeleine va sauter dans le lac avec un sac à dos lesté à ce moment-là, mais on pourrait dire que c'est Arnaud qui se jette à l'eau en faisant cette invitation…), alors que Madeleine n'envisage même pas qu'il puisse y avoir une part de séduction dans leur relation.

Finalement, Arnaud décide de s'inscrire au stage lui aussi. Il suit littéralement Madeleine dans cette «aventure».

Le stage

Le stage est le lieu de la désillusion pour la jeune fille : il ne correspond pas à ses attentes, ce n'est pas assez difficile, pas assez technique et trop confortable. Pourtant, certains exercices sont manifestement trop difficiles pour elle. Notamment, dans la course d'obstacles, elle arrive très difficilement à sortir d'un trou. Alors qu'Arnaud la rejoint et se met en position pour lui faire la courte échelle, elle refuse son aide. Le stagiaire suivant profite de l'appui présenté par Arnaud et lui tend ensuite la main pour l'aider à sortir. Arnaud est félicité par l'officier pour son esprit d'équipe alors que Madeleine s'acharne à sortir du trou toute seule. Ainsi, c'est surtout l'individualisme de Madeleine qui la met en porte-à-faux. Elle ne s'accommode pas à la vie de groupe, aux ordres auxquels il faut obéir et surtout aux valeurs de l'armée : le groupe doit être solidaire face à l'ennemi, l'individu doit même être capable de se sacrifier pour les autres. Madeleine, elle, ne croit qu'au «chacun pour soi», une philosophie totalement incompatible avec la vie militaire.

Photo du filmÀ ses côtés, Arnaud s'en sort plutôt bien. Il sera même désigné chef d'équipe pour la course d'orientation. Finalement, Arnaud s'adapte mieux qu'elle aux conditions militaires qu'elle a pourtant choisies. Autre signe de l'inadaptation de Madeleine à l'armée : son sens critique, qui s'exprime avec beaucoup d'à-propos. Ainsi, elle prétend (sans doute à raison) que le sacrifice de l'un au bénéfice des autres (en étouffant de son corps le souffle d'une grenade qui tomberait au milieu du groupe) est tout à fait inapplicable dans la réalité. Et quand elle demande comment on fait pratiquement pour ne pas subir (la loi de l'ennemi), le lieutenant Schliefer la rembarre sans donner de réponse.

Finalement, toutes ces frustrations rendent Madeleine encore plus agressive (elle donne un coup de boule à Peretti, elle bouscule violemment Arnaud) et c'est là qu'Arnaud en a assez. Il s'en va. Elle le rattrape, elle se met à le suivre. Il tente de l'embrasser, comme un dernier signal de ses intentions à son égard, mais elle le repousse. Arnaud s'éloigne alors et quitte le camp militaire. Elle lui demande où il va et il répond qu'il a une vie à retrouver, lui…

Madeleine franchit elle aussi la barrière du camp et suit Arnaud.

La parenthèse enchantée

Le début de leur désertion est marqué par une discussion éclairante. Arnaud dit à Madeleine qu'elle n'a pas de vie, parce qu'elle ne fait rien qu'elle aime. Lui, au moins, aime fabriquer des cabanes. Ainsi, alors que jusque-là Madeleine apparaissait comme la personne qui sait ce qu'elle veut et où elle va, c'est au tour d'Arnaud d'affirmer des «valeurs» : le sens de la vie, c'est faire ce qu'on aime… Probablement qu'en exprimant ainsi ce qu'il pense et ce qu'il croit, il fait découvrir quelque chose de nouveau à Madeleine, ce qui a pour conséquence qu'elle va s'intéresser à lui. Ils se mettent en route et elle demande : «Et maintenant, on fait quoi ?». Arnaud répond : « On survit, on s'adapte. C'est ce que tu voulais, non ?» Mais en réalité, c'est lui dirige désormais la manœuvre et c'est lui qui va choisir le lieu de leur campement.

Photo du filmAu cours de cette «parenthèse enchantée», il s'adapte encore une fois mieux que Madeleine à la vie en pleine nature : il jouit de l'instant présent et est capable de ne rien faire, alors qu'elle voudrait toujours faire quelque chose. Même la pêche demande trop de patience et elle se lasse. Arnaud passe son temps à enfoncer des brindilles dans le sable sans les casser, mais elle n'est pas capable de se concentrer sur cette activité qui ne sert à rien… Enfin, Madeleine s'impatiente quand elle a faim, alors qu'Arnaud est capable d'attendre et ne rien faire avec son estomac qui gargouille… Son attitude évoque un peu celle d'un sage oriental, qui vit l'instant présent, qui supporte les petits désagréments de l'existence, qui est capable de ne rien faireŠ Ainsi, il lui donne une autre définition de ce qu'est survivre.

Finalement, Madeleine tombe malade, Arnaud la porte jusqu'au village évacué en raison de l'incendie. Ils doivent ainsi faire face à une double catastrophe : la maladie de Madeleine qu'elle a provoquée elle-même en mangeant la viande de renard et l'incendie qui ravage la région et qui s'apparente un peu à «la fin du monde».

La fin heureuse du film, où ils sont tous les deux tirés d'affaire, les fait se retrouver à la sortie de l'hôpital. Là, on peut imaginer que cette mésaventure scelle une relation plus forte, un peu comme les avait liés leur virée ensemble qui s'était soldée par la destruction de la cabane de jardin et la culpabilité partagée.

Affiche

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