Une analyse réalisée par le centre culturel Les Grignoux
et consacrée au film
Will Hunting
un film de Gus Van Sant
USA, 1997, 2 h 06, avec Matt Damon, Robin Williams, Minnie Driver, Ben Affleck
Will Hunting est un jeune homme supérieurement intelligent, capable de démontrer en un tournemain un théorème sur lequel sèchent pendant des mois les prestigieux chercheurs du MIT de Boston. Une université qu'il connaît bien puisqu'il en balaie les couloirs tous les soirs. Will en effet n'est qu'un ouvrier non-qualifié, lorsqu'il ne se conduit pas comme un vulgaire voyou, ce qui lui vaut des ennuis répétés avec la justice.
Suite à une nouvelle incartade, il se voit proposer un marché original : mettre son intelligence au service de l'université et se prêter à quelques séances de thérapie, histoire de canaliser son énergie de jeune impulsif. Mais Will veut-il vraiment devenir un chercheur universitaire et mettre ses dons incontestables au service d'un système qu'il rejette ?
Basé sur un scénario écrit par les deux jeunes comédiens du film, Matt Damon et Ben Affleck, Will Hunting peut être vu par un large public et intéressera notamment les adolescents et les adolescentes à partir de quatorze ou quinze ans environ.
Will Hunting n'est pas le premier adolescent rebelle décrit par Gus Van Sant et auquel s'attache cette rubrique Ciné Santé (voir la fiche sur Drugstore Cowboy dans la Santé de l'homme n° 332).
On retrouve ainsi quelques thèmes chers au réalisateur.
Celui du jeune adulte confronté à la difficulté de trouver sa place dans un monde (professionnel, sentimental...) qui le force à faire des concessions si ce n'est des compromissions.
Celui du groupe, de la bande, des copains qui jouent un rôle structurant, rassurant (la famille que Will Hunting n'a pas), mais aussi qui uniformisent, nivellent les personnalités et les individualités.
Celui de la difficulté de la relation amoureuse qui, elle aussi, structure et fragilise tout à la fois. Par elle, c'est à une confrontation vraie et profonde à l'autre et à la différence que Will Hunting est amené.
Mais l'originalité la plus singulière du film est sans doute la façon dont sont traitées les capacités de surdoué de Hunting : même s'il s'agit bien de l'un des ressorts du film, les scènes «héroïques» sont rares et Will Hunting utilise ses dons que de façon occasionnelle et désintéressée. Une carrière ne l'intéresse pas plus que des perspectives d'enrichissement important. Sa vitalité, son énergie et son humanité semblent en effet plus attachées à essayer de se comprendre, de conserver ses amitiés sincères et d'être plus en paix avec lui-même.
Pourquoi Will Hunting casse-t-il la figure à un type rencontré par hasard dans la rue? Parce qu'il n'est qu'un voyou porté sur la violence? parce que, comme il le prétend, ce type l'aurait battu alors qu'ils étaient à l'école maternelle? ou bien parce que l'extériorisation de la violence lui sert à masquer les peurs qu'il ressent au fond de lui-même ainsi que l'exprime à un autre moment le professeur Sean McGuire? Le film ne dit pas explicitement quelle est la bonne réponse, mais il est clair qu'il suggère, à travers de multiples indices, que certaines interprétations du comportement de Will sont plus pertinentes que d'autres, en mettant notamment en évidence deux niveaux d'interprétation, l'un superficiel qui se contente de cataloguer l'individu (il se comporte comme un voyou parce que c'est un voyou), l'autre plus profond et qui recherche les motivations cachées, plus ou moins obscures, plus ou moins confuses du personnage.
Il est donc intéressant d'utiliser un film comme Will Hunting pour amener les jeunes spectateurs à une réflexion plus approfondie sur les raisons souvent masquées qui peuvent expliquer le comportement individuel. Alors que, dans la réalité quotidienne, nous nous contentons généralement d'une interprétation relativement sommaire de la psychologie d'autrui, la fiction peut ainsi être l'occasion pour des adolescents de s'interroger de manière plus poussée sur les motivations réelles mais cachées de chacun. Comme cette interrogation portera sur des êtres de fiction, elle ne cherchera évidemment à imposer la vérité de ses interprétations (qui est ici nécessairement inexistante) mais devra plutôt être considérée comme un exercice de réflexion destiné à favoriser plus largement l'inter-compréhension entre individus.
L'animation qui suit espère donc amener les jeunes spectateurs à une interprétation plus profonde du comportement des personnages grâce à l'utilisation d'un questionnaire à choix multiples. Certaines réponses seront évidentes — et d'une certaine manière, ce seront de fausses réponses parce que trop évidentes —, d'autres en revanche seront plus complexes et prêteront à discussion.
Les participants pourraient se répartir en petits groupes de quatre ou cinq personnes qui passeraient en revue l'ensemble du questionnaire et qui cocheraient les réponses qui leur paraissent les plus pertinentes : il s'agira notamment de justifier les réponses proposées par des arguments basés sur des indices livrés par le film. On remarquera qu'il n'est pas toujours possible de déterminer quelle est la bonne interprétation.
Une autre manière de procéder consiste à ne donner aux participants que les questions et à leur demander d'essayer d'y répondre par eux-mêmes : on peut cependant donner au préalable les réponses d'une ou deux questions en exemple pour éclairer notamment la distinction entre interprétation évidente et interprétation élaborée ou entre raisons manifestes et raisons cachées.
Questionnaire : à propos de Good Will Hunting
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Les réponses au questionnaire qui précèdent ne sont pas toujours évidentes et peuvent prêter à discussion (ce qui est d'ailleurs un des buts de l'animation). Après l'animation, il sera intéressant d'attirer l'attention des participants sur la pertinence des différentes réponses. Parmi celles-ci, on peut en gros distinguer trois grands types.
Les premières se signalent par leur caractère d'évidence et d'immédiateté, mais de telles réponses, sans être nécessairement fausses, paraissent superficielle et souvent tautologiques : il est évident que Will connaît la réponse du problème posé par Gerald Lambeau mais cela n'explique pas pourquoi il l'inscrit au tableau à l'abri des regards d'autrui.
Le deuxième type de réponse s'appuie sur des motivations plus complexes qui ne sont pas explicitées dans le film, ni directement ni indirectement : cette fois, la réponse paraît plus profonde mais ne repose que sur des conjectures comme c'est le cas quand l'on prétend que Will tabasse Carmine parce qu'il est jaloux de sa liaison avec la fille au pantalon rayé. C'est évidemment possible mais le film ne livre aucun indice qui puisse confirmer cette interprétation. Dès lors, de telles réponses sont menacées par le danger de la surinterprétation : on interprète le film bien au-delà de ce qu'il dit.
Enfin, le troisième type de réponses met en évidence, dans le comportement des personnages, des facteurs cachés mais qui reposent néanmoins sur des indices délivrés par le film, souvent à d'autres moments de l'histoire mise en scène : ainsi, la dispute entre Skylar et Will peut s'expliquer si l'on se réfère aux paroles de Sean qui a prétendu au jeune homme que, sous ses dehors effrontés et batailleurs, il n'était qu'un gamin terrorisé, ayant peur d'affronter la vie (cette interprétation, qui, dans le contexte du film, pourrait se révéler fausse, est néanmoins elle-même confirmée par d'autres séquences). Ce type d'interprétation est évidemment le plus intéressant car il s'appuie sur le contenu même du film : beaucoup d'œuvres cinématographiques mais aussi romanesques (celles notamment qu'on a appelées psychologiques) supposent ainsi que le spectateur ne se contente pas d'une interprétation immédiate et évidente du comportement des personnages, mais qu'il accède à un niveau plus profond d'interprétation grâce à une série d'indices souvent éloignés l'un de l'autre et dispersés tout au long du récit.
Bien que ces trois types d'interprétation ne forment évidemment pas des catégories étanches, on voit l'intérêt pédagogique à en exposer le principe à de jeunes spectateurs qui se contentent souvent d'une lecture immédiate des œuvres littéraires ou cinématographiques.