Prix d'interprétation pour Willem Dafoe à la Mostra de Venise 2018
Une approche intelligente et subtile des derniers mois de Van Gogh qui permet à Julian Schnabel de confirmer son savoir-faire et offre un rôle en or à Willem Dafoe, lauréat du prix d’interprétation à la Mostra de Venise 2018
Quelque chose de déréglé et de fébrile apparaît dès le début d’At eternity’s gate, sixième long métrage du peintre et cinéaste américain Julian Schnabel.
Le film s’attache aux dernières années de la vie de Vincent Van Gogh (Willem Dafoe), quand ce dernier décide de quitter Paris, où son art se heurte sans cesse à l’incompréhension et au rejet de ses pairs, pour se réfugier à Arles. Il veut alors trouver la lumière et la nature, mais il va y rencontrer la folie. Il peint une toile par jour, et fréquente à espaces réguliers l’hôpital psychiatrique.
C’est ce double mouvement que met en scène Julian Schnabel, peintre devenu cinéaste qui débuta sa carrière de réalisateur avec Basquiat (2006), un biopic sur le peintre, qui versait dans l’hagiographie. Rien de tel dans ce film-ci, dont l’angle cherche plutôt à traduire le rapport qu’entretint Van Gogh avec son art, dans un moment où il est sujet à des hallucinations, et à une fièvre artistique sans précédent.
Le film fascine par les partis pris narratifs et plastiques qu’il adopte pour transmettre le geste créatif – son urgence et son inassouvissement – en même temps que l’état mental par lequel il advient.
Julian Schnabel recourt pour cela à des procédés qui créent des sensations de déséquilibre (caméra portée instable et plongeante), qui brouillent la vision (le flouté utilisé jusqu’à mi-hauteur de l’image), et qui convoquent les sens (par des plans très rapprochés qui font vibrer les couleurs et miroiter la lumière). Dans At eternity’s gate, la folie le dispute à la douleur, l’allégresse à la maladie, dans un élan où tout se confond. Le film trouve, dans cette union qu’il opère, une densité lumineuse, aveuglante parfois, et donc forcément tragique.