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À partir d’un drame familial inattendu, Nathan Ambrosioni (Toni, en famille) signe un film tout en délicatesse sur le deuil et la reconstruction. Évitant les écueils du mélo, Les enfants vont bien touche par sa justesse, son attention aux détails et sa manière de faire jaillir l’émotion des choses les plus simples
Un soir d’été, Suzanne (Juliette Armanet), accompagnée de ses deux jeunes enfants, rend une visite impromptue à sa soeur Jeanne (Camille Cottin). Celle-ci est prise au dépourvu. Non seulement elles ne se sont pas vues depuis plusieurs mois mais surtout Suzanne semble comme absente à elle-même. Au réveil, Jeanne découvre, sidérée, le mot laissé par sa soeur. La sidération cède la place à la colère lorsqu’à la gendarmerie Jeanne comprend qu’aucune procédure de recherche ne pourra être engagée : Suzanne a fait le choix insensé de disparaître…
En 2018, dans Nos batailles, le réalisateur Guillaume Senez contait l’histoire d’un père confronté au départ soudain de sa femme, obligé d’assumer seul la charge du foyer et découvrant alors malgré lui un autre versant de la parentalité.
Le film de Nathan Ambrosioni interroge lui aussi le motif de la disparition maternelle, tout en déplaçant les lignes de son récit, car c’est ici la tante qui est amenée à accueillir chez elle les enfants de sa soeur. Il n’est pas tant question de logistique, quoique celle-ci entre invariablement en jeu, mais d’un deuil impossible à faire et du besoin d’avancer malgré tout. Parce que les enfants, trop jeunes pour décider par eux-mêmes, doivent notamment être pris sous tutelle et scolarisés. Avec leur présence, c’est toute une nouvelle configuration familiale qui se dessine : Jeanne endosse des responsabilités inédites tout en apprivoisant ce nouveau lien affectif avec son neveu et sa nièce, cet attachement singulier qu’elle approfondit progressivement, à mesure que les jours passent sans que Suzanne revienne…
Les enfants vont bien est un film sur la perte et sur la reconstruction, sur ces drames silencieux qui jalonnent les vies ordinaires et ce qu’il faut de résilience pour les traverser. Il y a dans la pudeur et la délicatesse de cette histoire une émotion qui nous happe et ne nous lâche pas ; dans ces gestes du quotidien qu’ils et elles rejouent par nécessité (les démarches administratives, l’inscription scolaire, les courses de la rentrée) parce que c’est la seule manière d’avancer sans trébucher, une telle tristesse contenue, une telle incompréhension figée, que chaque scène se gonfle d’une profonde mélancolie, heureusement rattrapée par la beauté de cette relation qui se crée, tâtonnant comme elle peut dans les plis d’une perte inconcevable.
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux
