2025-11-12
19:45
le 12 Novembre 2025 à 19h45 Première
Avec Les Aigles de la République, présenté en Compétition officielle à Cannes, Tarik Saleh (auteur du Caire confidentiel et de La Conspiration du Caire) livre un nouveau thriller politique implacable. Il déploie avec virtuosité sa grammaire du suspense dans les coulisses d’un régime autoritaire où l’art, le pouvoir et la propagande tissent une toile d’araignée redoutable. En s’attaquant cette fois à la manipulation de l’image, il signe une œuvre aussi contemporaine que terrifiante
Le film suit George Fahmy (Fares Fares), acteur adulé et figure nationale du cinéma égyptien, contraint de jouer le premier rôle dans un film de propagande à la gloire du régime. Flatté, piégé, puis broyé, il est progressivement happé dans les arcanes d’un pouvoir qui se sert de lui autant qu’il l’humilie. Le récit s’ancre dans une Égypte fictive mais familière, où le culte de l’image et le contrôle des récits dominent tout. Face à lui, une jeune réalisatrice ambitieuse, une censure omniprésente et un système qui transforme chaque choix personnel en allégeance politique.
Tarik Saleh explore ici le pouvoir performatif de la fiction, et scrute comment le cinéma peut devenir un champ de bataille idéologique. Les Aigles de la République questionne la frontière poreuse entre représentation et propagande, vérité et mise en scène, jusqu’à étouffer ses personnages dans un labyrinthe d’ambiguïtés. L’interprétation sobre et tendue de Fares Fares, déjà remarquable dans La Conspiration du Caire, donne corps à la chute d’un homme dont la loyauté, le statut et même l’identité deviennent des objets de négociation.
Visuellement maîtrisé, narrativement tendu, le film se démarque par une atmosphère étouffante et une mise en scène sans esbroufe, au service du récit. Il expose les méandres d’une société paternaliste qui semble être le modèle plébiscité par certains électeurs aujourd'hui. Un cinéma politique qui ne donne pas de leçon, mais qui pousse à l’interrogation profonde. Saleh confirme son statut de conteur engagé et lucide, dont la caméra révèle les rouages du pouvoir sans jamais sacrifier la tension dramatique.
Guillaume Kerckhofs, les Grignoux
