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Prix d'interprétation féminine pour Nadia Melliti au Festival de Cannes 2025
Troisième long métrage de l’actrice Hafsia Herzi, La Petite Dernière est l’adaptation du roman éponyme de Fatima Daas (publié en 2020) sur le récit d’émancipation d’une jeune femme lesbienne, arabe et musulmane. Une singularité qui en fait un personnage rarement vu au cinéma et qui, pourtant, nous renvoie des sentiments furieusement universels. Prix d’interprétation féminine pour Nadia Melliti au Festival de Cannes 2025
Fatima, 17 ans, est la petite dernière. Elle vit en banlieue avec ses sœurs, dans une famille joyeuse et aimante. Bonne élève, elle intègre une fac de philosophie à Paris et découvre un tout nouveau monde. Alors que débute sa vie de jeune femme, elle s’émancipe de sa famille et ses traditions. Fatima se met alors à questionner son identité. Comment concilier sa foi avec ses désirs naissants ?
Troisième long métrage de Hafsia Herzi (après Tu mérites un amour et Bonne mère), La Petite Dernière est le premier à sortir en Belgique. En trois films, l’actrice révélée dans La Graine et le Mulet d’Abdellatif Kechiche, a déjà pourtant créé une œuvre à l’identité forte, mêlant naturalisme social et émotions à fleur de peau de manière tout à fait subtile.
On retrouve les mêmes qualités dans ce récit d’émancipation où l’éveil du désir de l’héroïne se heurte à son milieu social. Hafsia Herzi prend le temps d’installer le décor, d’observer Fatima interagir avec son environnement, qu’il s’agisse du temps passé sur les bancs de l’école ou de celui partagé avec ses sœurs et sa mère dans la cuisine de l’appartement familial. Des scènes rythmées, fougueuses, pleines de tchatche et de vitalité qui démontrent tout le talent de la cinéaste à faire émerger l’authenticité des situations. Fatima est une héroïne pudique et taiseuse, mais les gros plans sur son visage, d’une intensité palpable (grâce, notamment, à la superbe interprétation de Nadia Melliti), laissent entrevoir tous les tourments de sa vie intérieure, cette bataille qu’elle mène avec elle-même pour réconcilier chaque fragment de son identité.
Ce qui touche sensiblement dans cette chronique intime, c’est que l’adversité ne surgit jamais là où on l’attend, si ce n’est dans le cœur même de Fatima, rongé par la culpabilité. S’il est question d’émancipation, il n’est pourtant jamais question pour elle de s’affranchir de quoi que ce soit. Ni de sa famille, ni de sa foi. Et c’est là que réside toute la lumière du film, son émotion si délicate : dans cette volonté fragile d’accueillir toutes ces supposées contradictions sans renier qui elle est.
La Petite Dernière est aussi un grand film sensuel, qui ose s’aventurer sur un terrain érotique que peu de cinéastes sont parvenus à filmer avec autant d’élégance. Une trajectoire du désir qui va de pair avec l’évolution du personnage, qui commence par verbaliser le sexe avant de le pratiquer.
Il y aura peut-être des esprits chagrins pour y voir une certaine provocation de la part de la réalisatrice. Il n’en reste que Hafsia Herzi signe l’un des films les plus gracieux de l’année, à la musique la plus entêtante. Vous n’êtes pas près d’oublier ce personnage de Fatima, sa pudeur qui fend l’âme, et sa soif irrépressible d'accepter qui elle est.
Alicia Del Puppo, les Grignoux
