Cinéaste russe dissident, Kirill Serebrennikov adapte le livre éponyme d’Olivier Guez (Prix Renaudot en 2017) et nous confronte à la figure du Mal absolu, Josef Mengele, dans un film intimiste et clinique qui débouche sur une expérience du regard particulièrement perturbante
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Josef Mengele, le médecin nazi du camp d’Auschwitz, parvient à s’enfuir en Amérique du Sud pour refaire sa vie dans la clandestinité. De Buenos Aires au Paraguay, en passant par le Brésil, celui qu’on a baptisé « L’Ange de la Mort » va organiser sa méthodique disparition pour échapper à toute forme de procès…
Le cinéma de Kirill Serebrennikov se distingue par une forme extrêmement travaillée, sensorielle et des sujets souvent historiques et politiques (Leto, La Femme de Tchaïkovski, Limonov). Avec ce nouveau film, présenté hors compétition à Cannes, il ne change pas de démarche et nous replonge dans l’une des pages les plus tragiques de l’histoire de l’Humanité avec cette question intemporelle : que devient un criminel une fois la guerre terminée ?
Le résultat est un film-enquête clinique particulièrement remuant, pouvant passer de l’atmosphère d’un polar à celle d’un film d’horreur, changeant volontairement de type de mise en scène (très travaillée dans ses contrastes noir et blanc ou nettement plus brute) selon les chapitres abordés.
Le cinéaste approche Mengele au plus près, l’accompagne jusque dans ses derniers retranchements, là où il espère disparaître totalement. C’est son point de vue que nous adoptons de bout en bout, que le cinéaste décide de nous révéler sans aucune compassion, celui d’un être humain devenu l’incarnation du Mal absolu.
Nicolas Bruyelle, les Grignoux