Ce drame familial et communautaire, qui dénonce l’homophobie dont est victime un adolescent dans un village reculé de Roumanie, a l’allure d’un western où perce la violence des mots, des gestes et des mentalités
Adi, 17 ans, passe l’été dans son village natal niché dans le delta du Danube. Un soir, il est violemment agressé dans la rue. Le lendemain, son monde est entièrement bouleversé. Ses parents ne le regardent plus comme avant et l’apparente quiétude du village commence à se fissurer…
Présenté l’an dernier en compétition à Cannes, Three Kilometres to the End of the World s’inscrit dans la lignée de la Nouvelle Vague roumaine qui émerge début 2000 avec Cristian Mungiu et sa Palme d’Or, 4 mois, 3 semaines et 2 jours. Le film d’Emmanuel Parvu est un drame sobre et glaçant, qui a l’allure d’un western avec ses plans larges et vides, sa campagne désertique, ses villageois pas d’humeur joyeuse et sa police corrompue. Dénonciation de l’homophobie rampante qui gangrène tout sur son passage, il prend son temps pour poser son intrigue, laissant en quelque sorte le contrôle des opérations aux dialogues qui dictent le rythme et les mouvements. Les corps sont essentiellement captés dans leur fixité et se font les reflets d’êtres figés dans leurs pensées. Ce sont les interactions entre les personnages qui apportent la tension. Quand des mœurs d’un autre temps poussent la famille du jeune Adi à convoquer un prêtre pour tenter d’exorciser « le Mal » qui est enfui en leur fils, il faut se pincer pour se dire que l’on ne regarde pas un film fantastique. Une séquence déstabilisante et cruelle qui rappelle à quel point, aujourd’hui, pouvoir vivre son homosexualité librement n’a rien d’acquis dans certains endroits du monde.
Nicolas Bruyelle, les Grignoux