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Stephen Frears porte à l’écran cette histoire extraordinaire (et pourtant vraie) de la réhabilitation de Richard III, roi très controversé de Grande-Bretagne. Un récit mis en scène avec audace et poésie et un magnifique personnage de femme battante pour la comédienne Sally Hawkins. Touchant, drôle et savoureux, dans la grande tradition du cinéma britannique
Voici le genre de récit qui, s’il était raconté en classe, donnerait sans doute un goût différent au cours d’histoire bien souvent qualifié d’indigeste par les écoliers. Certes, il est ici question de l’Angleterre mais qu’importe. Soit Richard III, dernier roi de la lignée des Plantagenêt, qui régna sur le pays au XVe siècle pendant à peine 3 ans, avant de laisser la place aux Tudor. Roi maudit, décrit comme un monstre cruel, un imposteur, un assassin d’enfants, il est surtout passé à la postérité grâce à la pièce politique que Shakespeare lui consacra quelque 100 ans plus tard.
C’est justement à une représentation de cette pièce de théâtre que Philippa Langley assiste un soir, accompagnée de son fils aîné. Employée, dans une grosse société commerciale à Édimbourg, Philippa traverse une période compliquée : à 45 ans, elle voit une promotion lui passer sous le nez, son mari a quitté la maison et surtout, elle souffre du syndrome de fatigue chronique. Autant d’éléments qui l’ont fragilisée et font qu’on la considère souvent comme quelqu’un d’insignifiant. Une femme malade et un peu tarée. Forcément peu intéressante.
Est-ce que c’est parce qu’elle vient de se faire humilier au boulot qu’elle se projette dans le personnage du roi maudit ? Ce roi considéré comme machiavélique parce que bossu. Ce roi qui, dans les manuels d’histoire, est décrit comme un paria. De livres en conférences, de recherches sur Internet en rencontres cocasses (notamment avec les Ricardiens, des historiens amateurs fans de Richard III), Philippa apprend que la dépouille du monarque n’a jamais été retrouvée après la bataille qui l’opposa à Henri Tudor. Autrement dit, Richard III n’a pas de sépulture. Malaimé de son vivant, diabolisé après sa mort, ses successeurs se sont employés à le faire disparaître à jamais. On le sait, les perdants ont rarement leur place dans l’Histoire !
Cette quête – absolument insensée – devient désormais l’objectif principal de la vie de Philippa. Abandonnant son travail, elle consacre ses journées à retrouver les traces du corps de Richard III, bien décidée à le réhabiliter et à fermer le caquet de ceux qui prétendent qu’il n’a pas sa place dans l’histoire de la Grande-Bretagne.
Suivre ce petit bout de femme déterminée dans son combat quasi obsessionnel, la voir se confronter aux maîtres de conférence hautains et aux chercheurs universitaires suffisants, voilà un univers dans lequel Stephen Frears est très à l’aise. Pour porter à l’écran le livre de la vraie Philippa Langley, "The King's Grave: The Search for Richard III", il s’est entouré de la même équipe que pour Philomena, notamment de Steve Cogan qui a co-écrit le scénario. Classer The Lost King dans la catégorie des comédies britanniques, serait carrément réducteur. Certes, le film regorge de scènes cocasses et de dialogues ciselés. Et en cela, il est dans la droite ligne du cinéma britannique qui peut se targuer d’avoir d’excellents scénaristes. Mais Stephen Frears croque aussi (et égratigne au passage) le monde universitaire fermé et pour le moins opportuniste. Et face à la puissance académique, il y a Philippa, historienne amateure, qui ne se fie qu’à son intuition mais fait preuve d’une opiniâtreté et d’une honnêteté intellectuelle remarquables. Stephen Frears nous fait ainsi adorer la fragile Philippa et le roi Richard III. Il nous donnerait aussi presque l’envie de nous replonger dans nos vieux manuels scolaires.
LAURENCE HOTTART, les Grignoux
