Mêlant l’humour noir à la satire sociale, le réalisateur autrichien Bernhard Wenger arrive dans le paysage cinématographique européen comme le petit frère spirituel de Ruben Östlund et Yorgos Lanthimos. Malaise et ricanement sont au rendez-vous !
Besoin d’un petit ami cultivé pour impressionner votre entourage ? D’un fils parfait pour forcer l’admiration de vos clients ? D’un répétiteur pour vous préparer à une dispute conjugale ? Louez Matthias, un maître dans sa profession, excellant chaque jour à se faire passer pour une personne différente !
Mais quand Matthias doit être lui-même, le véritable défi commence…
Surfant sur les dérives existentielles des réseaux sociaux, Bernhard Wenger imagine une start-up qui ferait de la mise en scène de soi une denrée commercialisable, où l’humain, sorte de robot formaté, serait capable de réinitialiser sa personnalité à chaque nouvelle connexion. C’est ce en quoi excelle Matthias, dandy 2.0 louant ses services à des individus plus ou moins fortunés à qui il manque un petit quelque chose pour briller en société. Car c’est bien là que réside l’un des enjeux du film : dépeindre — et, éventuellement, railler — les codes implicites qui opèrent dans la haute société. Codes qu’a entièrement digérés Matthias, jusqu’au jour où il s’aperçoit que ceux-ci ont quelque peu endommagé sa petite voix intérieure.
Critique acerbe de notre monde ultra-connecté, où les nouvelles technologies censées répondre à nos besoins finissent immanquablement par coloniser nos affects, Peacock est aussi une proposition de cinéma originale, instillant progressivement un peu de chaos à l’intérieur d’un cadre tout à fait aseptisé. C’est joyeux et déroutant !
ALICIA DEL PUPPO, les Grignoux