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Une comédie vaudevillesque, complètement décalée et décomplexée, avec une excellente (c'est un euphémisme) Josiane Balasko en reine mère bourgeoise parisienne, qui fait un bien fou dans le cinéma français !
Paul Château-Têtard, vieux garçon de 45 ans et pur produit du XVIe arrondissement de Paris, prend le métro pour la première fois de sa vie et tombe amoureux d’une jeune guichetière, Ava. Leur mariage n’est pas du goût de « maman », Adélaïde Château-Têtard, qu’on appelle aussi « la reine mère ». Mais elle s’en accommode tout de même : un héritier serait le bienvenu. Le souci, c’est que le bébé tarde à venir... Une guerre sans pitié s’engage alors entre les deux femmes, la reine mère étant persuadée qu’Ava trompe son fils. Il doit bien y avoir un amant quelque part !
Au rayon si souvent tristounet du cinéma comique français d’aujourd’hui, Antonin Peretjatko occupe une place bien à part depuis La Fille du 14 juillet, un premier film bien barré qui ruait dans les brancards d’un genre trop souvent sage. Il assumait un aspect bricolé, un esprit irrévérencieux, tout simplement une manière décomplexée de faire rire. Avec La Pièce rapportée, son troisième film après La Loi de la jungle (inédit en Belgique), il passe à la vitesse supérieure. Le résultat s’avère plus maîtrisé et rigoureux en termes d’écriture de scénario et de personnages, ce qui en fait clairement la très bonne surprise comique de cette fin d’année. Antonin Peretjatko convoque un formidable casting de doux dingues dont une Josiane Balasko en reine mère encore plus exceptionnelle que dans le récent Tralala (c’est dire !). Il sera difficile d’oublier de sitôt les scènes dans lesquelles elle se déplace à l’aide d’un système mécanique qui la transforme en robot désarticulé toujours à deux doigts de se fracasser contre un mur…
La Pièce rapportée est une comédie teintée de social qui fait de jolis clins d’œil aux productions populaires françaises des années 1960-70. On pense particulièrement à celles avec Louis de Funès (et l’on se met d’ailleurs à imaginer ce que le cinéaste aurait pu faire comme films avec l’acteur…) qui se retrouvait aussi embarqué dans des histoires de fric et de conflits de classes propices à une explosion de gags. Derrière l’humour des situations et l’aspect factice de l’atmosphère, Antonin Peretjatko veille à garder un pied dans le présent et à revendiquer un geste politique engagé, que ce soit en faisant des références aux gilets jaunes, en égratignant ce monde des riches sans scrupules chez qui tout est bon pour faire du pognon, y compris bosser avec des dictateurs, ou, encore, en rappelant que la condition sociale du personnage d’Ava (Anaïs Demoustier, formidable et surprenante comme à chaque fois) ne correspond en rien au monde auquel elle tente d’accéder… Ce qui est beau dans La Pièce rapportée, c’est que rien n’est fait par opportunisme, pour faire le malin. On sent, bien au contraire, un style personnel et un humour assumé, un film de cinéphile et un plaisir très premier degré à construire un monde où tout est pensé pour communier avec le spectateur. Tout cela nous donne encore plus envie de nous bidonner à chaque séquence, tant on se sent embarqué dans une aventure excentrique faite avec amour et générosité par un cinéaste décidément épatant.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux
