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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
Million Dollar Baby
de Clint Eastwood
USA, 2004, 2 h 12

Le dossier pédagogique dont on trouvera un extrait ci-dessous s'adresse aux enseignants du secondaire qui verront le film Million Dollar Baby avec leurs élèves (entre quinze et dix-huit ans environ). Il contient plusieurs animations qui pourront être rapidement mises en œuvre en classe après la vision du film.

Comment ça « fonctionne »

Présentation

Comme la plupart des films, Million Dollar Baby comprend plusieurs aspects, « plusieurs couches » qui se superposent partiellement et qui peuvent plus ou moins susciter l'intérêt des spectateurs : il y a d'abord le parcours individuel d'une jeune femme, Maggie, qui, partie de rien, va arriver au sommet de sa carrière de boxeuse avant sa chute brutale, il y a également la description d'un milieu très particulier, celui de la boxe que l'on peut sans doute interpréter comme l'image grossissante et déformante de l'Amérique, il y a enfin une réflexion sur le sens de la vie, de la mort aussi et du droit à une mort choisie (l'euthanasie) et non subie...

Cependant ces différentes dimensions sont sans doute secondaires dans un film qui dure plus de deux heures et dont chaque séquence doit retenir l'intérêt des spectateurs : ainsi, les matches de Maggie — si l'on excepte le dernier malheureusement tragique — sont extrêmement brefs et comportent de ce fait très peu de suspens. S'il y a quelques moments très forts dans ces matches (par exemple quand Maggie se fait casser le nez), ceux-ci, malgré leur importance et leur dimension spectaculaire, n'occupent que de courts moments du film [1] et ne retiennent que brièvement l'attention des spectateurs. Au final, ceux-ci auront certainement l'impression que la plus grande partie du film — notamment la première moitié — se déroule surtout dans la salle d'entraînement.

La plupart des spectateurs qui sont sensibles à ce film reconnaîtront sans doute facilement que son aspect le plus intéressant réside moins dans les combats eux-mêmes (même s'ils sont évidemment importants) que dans la relation entre la boxeuse et son entraîneur, entre Maggie et Frankie, entre cette jeune femme décidée et cet homme beaucoup plus âgé et d'abord réticent à s'occuper d'elle. Et c'est la dimension psychologique [2] de cette relation, tour à tour froide, distante, houleuse, ambiguë, passionnée, dramatique... qui donne son sens à la plupart des séquences du film. Même les combats sont dominés par les échanges entre les deux personnages, qu'il s'agisse de celui où Frankie redresse le nez cassé de Maggie, ou de ce combat où Maggie se retrouve face à une adversaire qu'elle ne parvient pas à approcher parce qu'elle est, dit Frank, « plus jeune, plus forte, plus expérimentée » : dans le deux cas, l'on comprend facilement que c'est l'interaction entre les deux personnages qui décide finalement de l'issue du combat.

Construire un personnage psychologiquement

Comme cinéaste (mais également comme acteur), Clint Eastwood construit pratiquement chaque séquence autour de la dimension psychologique de l'interaction entre les deux personnages principaux mais également des personnages secondaires : on se souvient par exemple du rôle décisif joué par Scrap (Morgan Freeman) qui donne les premiers conseils à Maggie, qui manœuvre également pour amener Frankie à s'occuper de la jeune femme, puis qui en viendra à trahir son ami lorsqu'il pensera que celui-ci risque de ne pas donner sa véritable chance à sa protégée (Scrap met alors en présence Maggie et le manager Mickey Mack). Bien entendu, son rôle est également celui d'un observateur qui commente en voix off les événements qui se passent sous nos yeux.

Pratiquement chaque séquence prend ainsi une valeur psychologique et se signale par une évolution plus ou moins marquée de l'un ou l'autre personnage sur ce plan : c'est très manifeste au début du film où l'on devine facilement que Frankie passe du mépris ou de l'indifférence à une curiosité un peu distante avant de marquer un véritable intérêt pour la volonté butée dont fait preuve la jeune femme. C'est donc ce « pas-à-pas » psychologique qui donne son intérêt aux différentes séquences notamment du début du film où l'action est relativement peu importante et spectaculaire.

Mais, à la façon du cinéma classique américain [3], cette évolution n'est jamais purement interne (comme un «mûrissement» intérieur) et résulte toujours des événements en cours et notamment de l'interaction (présente ou dans un passé proche) avec les autres personnages : ainsi l'on remarque facilement que Frankie ne commence véritablement à s'intéresser à Maggie que lorsque son « poulain » Willie le quitte et rejoint un autre manager.

Les liens entre les événements ne sont pourtant pas directs et surtout ne sont souvent pas explicités par les différents personnages : comme cinéaste, Clint Eastwood préfère généralement suggérer des sentiments, des émotions ou des motivations plutôt que de les faire exprimer directement — et de façon plus ou moins appuyée — par les personnages. Mais, pour cela, il recourt à de multiples moyens, à des indices de toute nature qui seront perçus par les spectateurs attentifs mais qui pourront également être négligés par d'autres moins sensibles à ces éléments que l'on peut interpréter de façon étroitement « réaliste » : ainsi quand Willie se rend le soir chez Frankie, cette venue doit être immédiatement perçue comme inhabituelle puisque jusque-là on n'a vu le boxeur que sur le ring ou à la salle, et qu'il porte à présent un costume élégant et très coloré. Le costume nous révèle ainsi qu'il entre dans une « nouvelle » vie, bien éloignée de l'austérité presque misérable qui caractérise l'univers de Frankie (une séquence précédente nous a montré que la voiture de l'entraîneur est tellement vieille qu'elle n'a plus de marche arrière).

Par ailleurs, quand les pensées et sentiments deviennent plus explicites (notamment dans la deuxième partie du film), le cinéaste recourt de la même façon à différents procédés pour suggérer une ambiance qui s'harmonise avec ces pensées et sentiments : ainsi, quand Maggie demande à Frankie de mettre fin à ses jours, la caméra se rapproche (selon un procédé très courant au cinéma) de Frankie dont la moitié du visage est mangée par l'ombre... Le gros plan sur le visage suggère bien sûr l'intensité de l'émotion qui submerge le personnage, tandis que l'ombre révèle la « noirceur » de ses pensées, sa division intérieure, le drame qui l'envahit... Un nouveau cadrage (après un plan sur Maggie) saisit alors le visage de Frank sur la gauche de l'image, comme si son regard venait buter sur le bord du cadre alors que derrière lui (ou plus exactement à sa droite) se creuse un espace envahi par l'obscurité. On comprend bien que ces procédés ne visent pas tellement à traduire une signification précise (la division du visage par l'ombre et la lumière qui refléterait la division de l'âme) mais plutôt à créer une ambiance, à souligner une émotion, à susciter une empathie générale du spectateur qui n'a sans doute pas besoin de mettre des mots précis sur ce qu'il ressent à ce moment-là.

Bien entendu, toutes les séquences du film forment un ensemble relativement cohérent du point de vue psychologique (ce qui a déjà fait l'objet de l'animation 4, pages 4 à 9 du dossier imprimé). Le thème essentiel du film, qui sera facilement perçu par les spectateurs avertis, est, pourrait-on dire, celui du prix de l'expérience : la différence d'âge entre Maggie et Frankie entraîne une différence d'expérience, une différence d'attitude face à la vie, une différence psychologique qui ne se réduira jamais, même lorsqu'ils sembleront tous deux sur le chemin de la réussite ou au contraire de la mort assumée... Tout le film jouera donc sur cette différence, parfois très manifeste, parfois minime, et finalement irrémédiable, qui donne à l'ensemble de l'histoire une teinte fortement mélancolique (accentuée encore par la narration en voix off de Scrap) : Frankie, qui accompagne Maggie dans la gloire comme vers la mort, reste définitivement seul, en retrait (sinon en retraite), avec ses souvenirs, ses regrets, sa culpabilité (à l'égard de Scrap, de Maggie, de sa fille, des échecs de sa propre vie)...

On remarquera que le rejet éventuel du film par certains spectateurs (jeunes ou moins jeunes) résulte sans doute moins d'une incompréhension de cet aspect essentiel que d'une insensibilité (tout à fait légitime) à ce thème effectivement fort sombre. L'animation proposée ici n'aura donc de sens que pour des spectateurs qui auront manifesté leur intérêt à l'égard de Million Dollar Baby.

Déroulement

Il s'agira donc ici d'analyser avec les jeunes spectateurs cet aspect particulier mais certainement essentiel du travail de mise en scène cinématographique de Clint Eastwood, qui consiste à suggérer par des indices de type « réaliste » les états d'âme et les évolutions psychologiques de ses personnages. Dans la multitude presque infinie des éléments filmiques (cadrage, lumière, sons, paroles, attitudes, etc.), on ne retiendra donc que ceux qui peuvent être interprétés comme révélant ou accentuant les états d'âme des personnages.

On proposera ci-dessous quelques éléments du film qui méritent sans doute une analyse ou une réflexion supplémentaire à ce propos (On n'a retenu ici que les séquences mettant en scène les trois personnages principaux, Maggie, Frankie et Scrap, mais pratiquement toutes les séquences pourraient être analysées de ce point de vue.). On trouvera également quelques éléments d'analyse qui pourront être soumis aux participants pour les aider dans leurs réflexions.


[1] Il y a notamment une grande ellipse sur tous les matches de Maggie en Europe que Scrap (en voix off) résume en quelques mots : « Quoi qu'il en soit, Maggie boxa à Edimbourg et Paris, Bruxelles et Amsterdam. C'était toujours Mo Cuishle [...] Le temps qu'ils reviennent aux États-unis, Maggie était dans une tout autre division ».
[2] La « psychologie » (mais pas la psychanalyse...) est un tabou de la critique en France depuis que le roman psychologique de Paul Bourget est définitivement passé de mode... Néanmoins, si toutes les « psychologies » ne se valent pas, il est clair que, face au cinéma et particulièrement à un film comme Million Dollar Baby, le spectateur doit s'interroger sur les motivations des personnages (pourquoi Frankie change-t-il d'avis ?), sur leurs réactions émotionnelles (quel attachement Frankie garde-t-il pour sa fille ?), sur les raisons cachées ou muettes qui les font agir (pourquoi Frankie interroge-t-il de façon ironique le curé sur des questions théologiques ?). À défaut d'un tel travail d'interprétation psychologique, la vision de Million Dollar Baby équivaudrait à peu près à regarder les évolutions de poissons rouges dans leur bocal... Et les spectateurs (notamment les plus jeunes) qui rejettent éventuellement le film se signalent précisément par leur indifférence (de nature psychologique) aux personnages principaux.
[3] Le style « européen » est sans doute légèrement différent et met plutôt l'accent sur une intériorité beaucoup plus fermée sur elle-même, beaucoup plus insensible aux événements extérieurs qui ne semblent jouer que le rôle de « catalyseurs » à une évolution psychologique purement interne : on peut penser par exemple au Voyage en Italie de Roberto Rossellini (1953) dont le personnage central Katherine perçoit le monde qui l'entoure sans jamais y réagir sinon par à-coups de façon aberrante et disproportionnée.

Million Dollar Baby : quelques éléments à interpréter

Voici quelques éléments du film Million Dollar Baby où l'on devine les émotions, les pensées, les sentiments plus ou moins cachés des personnages. Essayez à la fois d'expliquer ce que ressentent à ce moment les personnages, et de décrire les différents indices objectifs qui nous permettent de comprendre cela.

1. Pourquoi voit-on prier Frankie chez lui ? (« À part ça vous savez ce que je veux. Inutile de me répéter » dit-il notamment). [réponse suggérée]

2. Dans une courte scène du début, on voit Maggie, habillée en serveuse, envelopper de la nourriture et prétendre que c'est pour son chien. Qu'est-ce que cela signifie ? [réponse suggérée]

3. Comment Scrap amène-t-il Frankie à changer d'attitude à l'égard de Maggie ? [réponse suggérée]

4. Au début du film, Frankie et Scrap sont à la salle d'entraînement. Voici leur dialogue. À votre avis, qu'est-ce que les deux personnages sous-entendent :
Scrap : — Il [Willie] adore les massages et il n'en veut pas ?
Frankie : — Tu bosses parfois, ici ?
Scrap : — Je ne m'inquiéterais pas concernant mon job...
Cette fille [Maggie] fait des progrès
Frankie : — On dirait que quelqu'un l'aide. [réponse suggérée]

5. Que se passe-t-il lors de la séquence à la salle où Frank demande à Maggie de lui rendre son « speed bag » (punching ball), discute un peu avec elle, puis lui redonne le speed bag qu'elle vient de lui remettre. Pourquoi change-t-il d'avis ? [réponse suggérée]

6. Que s'est-il passé entre Scrap et Frankie ? Quelle est la position de l'un et de l'autre vis-à-vis de la boxe ? [réponse suggérée]

7. Quel geste Frankie fait-il quand il découvre Maggie en train de s'entraîner la nuit dans la salle ? [réponse suggérée]

8. Frankie donne quelques conseils d'entraînement à Maggie puis la confie à un autre manager, Sally : il assiste alors à son premier match, et il intervient. Comment Scrap parvient-il à convaincre Frankie d'intervenir ? [réponse suggérée]

9. Quelle est la réaction de Frankie lorsque Maggie gagne ses premiers matches en assommant ses adversaires au premier round? [réponse suggérée]

10. Quand Maggie se fait casser le nez par une boxeuse, est -ce que Frankie réagit comme avec Willie sur le ring à la première séquence du film ? [réponse suggérée]

11. Un soir, Scrap emmène Maggie dans un fast food et essaie de la convaincre de changer de manager. Comment cela se passe-t-il ? [réponse suggérée]

12. Après la rencontre avec la famille de Maggie, Frankie s'arrête à une station-service. Quels sont alors leurs sentiments à tous les deux ? [réponse suggérée]

13. Après l'accident de Maggie, comment Frankie réagit-il quand il revoit Scrap ? [réponse suggérée]

14. Frankie lit un livre à côté de Maggie paralysée. Il essaie de lui faire lire le texte original (en gaélique), puis le lui traduit. Quelle est l'atmosphère de cette scène ? [réponse suggérée]

15. Comment Frankie et Maggie réagissent-ils à la venue de la famille de la jeune femme à l'hôpital ? [réponse suggérée]

16. [...]

17. [...]

Quelques éléments de réponse

1. Il ne s'agit pas d'une prière intérieure : le personnage se met à genoux et il parle à haute voix. Il demande à Dieu de protéger Katy et Annie (nous ne savons pas encore de qui il s'agit). Mais ce que révèle surtout la scène, c'est à la fois la profonde religiosité du personnage (ce que démentira, mais faussement, ses « querelles » avec le prêtre) et son âge, tant ses gestes donnent l'impression d'un homme usé et fatigué (contrairement à son air fringant face au prêtre à la séquence suivante...). [Cliquez ici pour remonter aux questions]

2. Maggie ment bien sûr, mais c'est le type de nourriture qui est important : elle prend de la viande (un aliment relativement cher), qui contient des protéines indispensables au régime d'un sportif. [Cliquez ici pour remonter aux questions]

3. Scrap agit vraiment en « douce » : quand Frankie lui demande combien elle a payé de mois, il répond six (ce qui est peut-être faux), c'est-à-dire une grosse somme à laquelle le manager n'est pas prêt à renoncer. Puis, un soir, il donnera ses premiers conseils à la jeune femme face au sac de sable, et surtout il lui remettra le punching-ball (« speed bag ») de Frankie : or celui-ci devinera immédiatement que seul Scrap a pu faire cela, autrement dit que Scrap « croit » en cette jeune femme que lui au contraire rejette à ce moment-là. Puis lors d'une conversation anodine, Scrap remarquera « Cette fille fait des progrès », puis il suggérera qu'elle a peut-être un « don naturel » (mais Frank répliquera qu'elle a surtout son punching-ball !) [Cliquez ici pour remonter aux questions]

4. Précédemment, Scrap a déjà averti Frankie que Willie avait croisé un autre manager. Cette fois, son étonnement — « il ne veut pas de massage ! » — est un avertissement adressé à Frankie, ce que celui-ci comprend à demi-mot, mais, comme il ne peut (ou ne veut) rien faire, l'entraîneur répond de mauvaise humeur en demandant à Scrap s'il travaille parfois (sous-entendu : au lieu de regarder tout ce qui se passe dans la salle...). Et quand Scrap lui parle de « la fille », il répond en dévoilant le double jeu de son interlocuteur : « On dirait que quelqu'un l'aide ». Les deux personnages se parlent donc de façon indirecte, mais, comme ils se connaissent depuis très longtemps, ils peuvent communiquer à demi-mots (que nous comprenons parce que nous avons vu Scrap donner le punching-ball ainsi que des conseils à Maggie). Et s'il y a une certaine agressivité (qui se manifeste à plusieurs reprises) dans les paroles de Frankie, on devine aussi qu'elle est l'envers d'une évidente complicité. [Cliquez ici pour remonter aux questions]

5. Frankie est d'abord brutal : il ne veut pas de cette « fille », alors il lui demande son âge et il lui dit qu'à trente et un ans, elle est trop âgée. Devant la brutalité de ces propos, Maggie lui tend en effet son « speed bag » (dont elle ne sait même pas se servir d'après Frankie), mais l'entraîneur se rend compte alors qu'il a été trop loin et il craint qu'elle se mette à pleurer ; finalement, dans un geste d'apaisement, il lui rend l'objet, car il estime sans doute que la rupture entre eux est irrémédiable. Il termine alors la rencontre sur une pointe d'humour, prétendant que, de toute façon, il ne l'a plus vu depuis vingt ans et qu'il en a usé trois autres depuis... C'est un échange verbal en « va-et-vient » : Frankie « avance » sur son adversaire puis fait un pas en arrière, alors que ses gestes, ses attitudes, ses expressions du visage restent apparemment impassibles. [Cliquez ici pour remonter aux questions]

6. C'est Scrap qui expliquera l'histoire à Maggie : Frankie, qui n'était qu'entraîneur (et non pas manager), n'a pas pu interrompre le combat de Scrap qui y a perdu un œil. Depuis lors, Frankie vit avec cette culpabilité et a peur (bien que Scrap ne le dise pas) de mener ses boxeurs, comme Willie, au titre. Or Scrap ne regrette rien car il estime qu'il a eu sa chance. De là découle toute l'ambiguïté de la relation entre les deux hommes : Scrap veut que Frankie donne à chacun de ses boxeurs leur chance de gagner le titre, alors que Frankie est réticent — en particulier à l'égard de Maggie — à s'engager avec eux dans cette course et surtout à « aller trop vite ». Ainsi, alors que Scrap est théoriquement le subordonné de Frankie, leur relation est souvent inversée : Scrap s'assied au bureau sur lequel il pose ses pieds avec des chaussettes trouées (et Frankie énervé le fait déguerpir...), il loge sur place, il remarque des comportements suspects (ceux de Willie en particulier...), il n'hésite pas donner son avis parfois brutalement à Frankie. Autrement dit, loin de se limiter à un rôle d'observateur, il influence de façon plus ou moins directe le comportement de Frankie. Les relations entre les deux personnages passent cependant beaucoup moins par des paroles explicites que par des propos indirects (« Pour ta gouverne, tu as un autre boxeur qui refuse de parler à un autre manager » annonce Scrap à Frankie à propos de Willie) et par des gestes ou des attitudes en demi-teinte (Scrap ne s'énerve jamais même si l'on devine qu'il n'est pas d'accord avec son compère). [Cliquez ici pour remonter aux questions]

7. À trois reprises, il immobilise de la main le sac sur lequel Maggie vient de cogner (« Hold it »). Autrement dit, il arrête le « mouvement » impulsé par la jeune femme et dans lequel il se sent pris : il essaie ainsi d'imposer son « rythme », ses conditions alors que Maggie anticipe déjà tout ce qu'il pourrait dire. Et puis il montrera comment frapper sur ce sac en faisant un geste précis mais très lent (pour un boxeur). La gestuelle est ici révélatrice de la différence d'âge, de la différence de mentalité (Maggie est une « fonceuse »), de la tentative de Frankie de « reprendre la main ». [Cliquez ici pour remonter aux questions]

8. Scrap et Frankie sont dans le noir, relativement loin du ring. Scrap feint de donner raison à Sally qui est un « bon manager », alors que Frankie voit que ça se passe mal. Les propos de Scrap ne peuvent que l'énerver, et il crie alors de plus en plus fort : « Protège ton gauche ! »(« Keep your left up ! ») , ce à quoi Scrap peut rétorquer « Tu crois qu'elle t'entend d'ici ? ». Il lui dévoile ensuite les projets de Sally (« Si Maggie perd, Sally s'en fout. Ça l'aidera peut-être...», etc.), et la coupe est pleine pour Frankie qui se précipite pour conseiller Maggie ! [Cliquez ici pour remonter aux questions]

9. Alors que Maggie triomphe, on voit bien l'air exaspéré de Frankie qui ne regarde pas sa boxeuse mais plutôt ses pieds : il sait qu'il ne trouvera pas d'autres adversaires pour Maggie si elle les assomme toutes aussi rapidement. Maggie au contraire cherche son regard, et, à la fin d'un de ces matches trop brefs, elle lâche à Frankie en riant avec un petit haussement d'épaules « Désolée, boss [de l'avoir assommée aussi vite] ». Frankie ne lui répond d'ailleurs pas, et à la séquence suivante, on le voit négocier seul avec d'autres entraîneurs qu'il paie pour faire combattre Maggie. Celle-ci, par son attitude, manifeste directement sa confiance à son entraîneur, alors que celui-ci trahit par des expressions plus discrètes une certaine réserve intérieure face aux exploits de sa boxeuse. [Cliquez ici pour remonter aux questions]

10. Lors du premier combat où Willie est blessé, Frankie lui donne un seul conseil : « N'esquive pas les coups » (ce qui est pour le moins paradoxal et violent). Mais, cette fois, il veut arrêter le combat, et c'est Maggie qui prétend continuer. Et s'il la soigne, on entend distinctement le bruit des os du nez qu'il remet en place ; puis la caméra nous montre nettement les deux visages — celui de Maggie et celui de Frankie — qui grimacent ensemble de douleur. (À l'hôpital où l'on soigne le nez cassé de Maggie, Scrap demandera à Frankie «Comment ça va ?», ce à quoi il répondra : « Moi ? Ce n'est pas moi qui suis blessé ! » ; mais l'on devine facilement que Frankie veut jouer au « dur », à l'insensible alors qu'on l'a vu grimacer lorsqu'il a dû soigner Maggie sur le ring.) [Cliquez ici pour remonter aux questions]

11. Scrap et Maggie sont d'abord vus de dos, un peu comme si on les épiait en train de faire un mauvais coup. Et c'est vrai que, si Scrap fait des confidences émouvantes à la jeune femme (son combat et son œil perdus), il est également en train de trahir Frankie au profit de Mickey Mack qui est installé plus loin au bout du comptoir. La position de l'entraîneur ne paraît pas naturelle, car on ne voit pas ce qu'il vient faire tout seul à cet endroit ; mais, comme il est attablé au même comptoir que Scrap, on devine qu'ils ont « quelque chose à voir ensemble ». Ce que Maggie comprend rapidement. Mais elle refusera l'offre éventuelle de Mickey Mack qui ne pourra même pas placer un mot. Ici la disposition des personnages dans l'espace suffit à désigner leurs relations implicites. [Cliquez ici pour remonter aux questions]

12. Frankie nettoie le pare-brise devant le visage de Maggie : l'eau évoque les larmes, mais Frankie semble les effacer avec sa raclette... Le chien avec la petite fille dans l'auto d'à-côté suffira alors à transformer l'atmosphère très lourde en « éclaircie ». Les choses ne sont évidemment pas « dites » de cette manière-là, et c'est l'ensemble de la scène notamment avec le visage de Maggy qui passe pratiquement des larmes au rire qui permet au spectateur de ressentir lui aussi ces émotions. [Cliquez ici pour remonter aux questions]

13. Il réagit de manière très surprenante puisqu'il accuse Scrap d'être le responsable de ce qui est arrivé... puisque c'est lui qui a voulu qu'il entraîne la jeune femme. L'attitude de Frankie debout, raide comme un piquet bien qu'appuyé contre le mur de l'hôpital, traduit en fait son malaise, sa colère, sa mauvaise foi, qui vont contraster ensuite avec la manière particulièrement affectueuse dont il s'occupera de Maggie. [Cliquez ici pour remonter aux questions]

14. Il s'agit d'un poème célèbre de Yeats « Je vais me lever et aller à Innisfree et y bâtir un petit chalet... » (I will arise and go now, and go to Innisfree, / And a small cabin build there, of clay and wattles made...). Sans être joyeuse, l'atmosphère est plus légère à cause notamment du soleil qui illumine la pièce. Frankie en outre se lève et tourne autour du fauteuil de Maggie, et ce mouvement donne l'impression qu'il est encore capable d'initiative et que la vie peut continuer... C'est une scène de répit avant la dégradation rapide de la situation dans les séquences suivantes. [Cliquez ici pour remonter aux questions]

15. Frankie est manifestement coincé par les règles de la politesse et du savoir-vivre alors qu'on le sent prêt à se battre notamment avec le seul homme de la famille (affublé d'un chapeau de cow-boy). Mais il est obligé de les laisser faire, et il assiste à la scène du couloir à travers la porte vitrée de la chambre. Ce point de vue de la caméra traduit alors bien son impuissance. Et quand finalement il entrera dans la chambre, c'est Maggie qui le rappellera aux convenances en l'appelant « Mister Dunn... ». Paradoxalement, c'est la jeune fille paralysée qui a l'initiative et qui refusera finalement de signer le papier que lui tend sa mère. Comme Frankie, nous ressentons de la colère devant le comportement de la famille de Maggy, mais nous sommes « paralysés » comme lui, jusqu'à ce qu'au dernier moment la jeune femme recrache le stylo que sa mère lui a mis en bouche. [Cliquez ici pour remonter aux questions]

16. [...]

17. [...]

 

L'on trouvera à la page suivante une animation originale (qui n'est pas reprise dans le dossier imprimé), consistant en vingt-cinq consignes d'observation à remettre aux spectateurs avant la projection du film.

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