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Extrait du dossier pédagogique
réalisé par les Grignoux et consacré au film
La Haine
de Mathieu Kassovitz
France, 1995, 1h35

Ce dossier s'adresse aux enseignants qui verront le film avec leurs élèves. Les animations qui y sont décrites doivent avoir lieu rapidement après la vision du film alors que les souvenirs sont encore vifs dans les esprits et sont destinées à des élèves âgés entre quatorze et dix-huit ans environ.

Un film en situation

Si l'histoire racontée par le film de Kassovitz est sans doute facile à comprendre, il est cependant moins évident de dégager son sens, c'est-à-dire la portée et la spécificité de son propos par rapport à d'autres discours par exemple journalistiques : qu'est-ce que le film nous dit de plus ou de nouveau par rapport à ce que nous savons déjà sur les banlieues ou sur les violences policières?

Le film, qui raconte l'histoire singulière de trois jeunes hommes, Vinz, Saïd et Hubert, traite, nous le percevons intuitivement, d'une situation beaucoup plus large sur laquelle il jette un éclairage particulier qui n'est pas celui de tous les habitants de ces quartiers ni des policiers (qui, au dernier festival de Cannes, ont tourné le dos à l'équipe du film lorsqu'elle a monté les escaliers du palais) ni des hommes politiques ou des journalistes qui traitent des émeutes urbaines au journal télévisé de vingt heures.

La spécificité du propos du cinéaste et encore moins son éventuelle pertinence ne sont cependant pas faciles à définir dans la mesure où ce propos n'est jamais explicité sous une forme discursive : c'est au spectateur, sur base des informations multiples et parfois contradictoires du film, à effectuer, s'il en est capable et s'il en a envie, ce travail.

À qui ça arrive?

Un premier exercice (qui peut prendre la forme d'une discussion) permettra de faire prendre conscience aux élèves du caractère (relativement) paradoxal du cinéma (mais aussi de certains romans ou bandes dessinées) qui met en scène une histoire singulière pour traiter d'une situation beaucoup plus générale.

Il s'agira simplement de se demander si l'histoire de Vinz, Saïd et Hubert aurait pu arriver à d'autres personnes, dans d'autres lieux ou dans d'autres circonstances. Cet exercice imaginaire, qui appellera, on s'en rendra vite compte, des réponses nuancées, prendra comme exemples d'acteurs des individus de plus en plus éloignés de ceux choisis par le réalisateur : ainsi, on pourra se demander successivement si cette histoire aurait pu arriver...

  • à des jeunes filles de la cité des Muguets (c'est le lieu imaginaire choisi par Kassovitz),
  • ou bien à des adultes de l'âge des parents des trois protagonistes,
  • ou encore dans d'autres quartiers plus favorisés de Paris,
  • ou bien dans d'autres villes de France ou de Belgique

La discussion devrait permettre, on le voit, de préciser la portée du film en même temps que ses thèmes : la Haine manifestement est lié à un type d'environnement, les «banlieues» caractérisées notamment par des immeubles-tours de mauvaise qualité, qui sont relativement spécifiques à la France et qu'on ne peut pas confondre avec d'autres types urbains comme les anciennes cités ouvrières (on reviendra sur ce point).

Semblablement, l'histoire racontée concerne d'abord des jeunes hommes dont les comportements par exemple l'attirance de Vinz pour les armes, son goût pour la «castagne», le petit trafic de drogue auquel se livre Hubert, la vie «au-dehors» qui rassemble principalement des garçons sont sans doute différents de ceux des jeunes filles ou femmes des mêmes quartiers.

Ainsi encore, il est peu vraisemblable que cette histoire arrive à des personnes plus âgées qui sont généralement installées dans une vie de famille et qui ne forment plus des bandes de copains traînant dehors toute la journée.

Enfin, l'on sait aussi que les violences policières s'exercent généralement contre des jeunes gens le plus souvent d'origine étrangère.

D'autres points peuvent en revanche prêter à discussion : ainsi, l'on peut s'interroger s'il existe en Belgique [1] des quartiers semblables à celui des Muguets, et si les violences policières sont les mêmes de chaque côté de la frontière (ou même dans tous les départements français). Si l'on peut immédiatement trouver des arguments en faveur de l'une ou l'autre thèse, seule une recherche d'informations objectives permettra cependant de répondre de manière plus certaine à ces questions.

Au terme de cette discussion, on devrait en tout cas pouvoir préciser la portée du film : celui-ci traite de la situation des jeunes gens (surtout les garçons) vivant dans les «banlieues» françaises, en butte aux violences policières (tous les termes employés dans cette phrase devront sans doute être ultérieurement précisés). Pour bien marquer une dernière fois la spécificité du propos de Kassovitz dans son film, il suffira de comparer celui-ci à d'autres films comme par exemple un James Bond ou un Rambo dont on remarquera immédiatement qu'ils ne peuvent pas prétendre avoir la même portée que la Haine. Les aventures d'un James Bond ou d'un Rambo ne concernent que ces héros et ne reflètent évidemment pas une situation plus générale.

Photo du film


[1] Ce dossier s'adressait à l'origine principalement à un public d'enseignants de Belgique.

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