Gestes
Quelques exemples :
- Le prêtre marche avec Frankie qui lui pose une question déplacée : le prêtre s’arrête net alors que Frankie poursuit encore deux ou trois pas.
- Scrap à Frankie : « C’est qui la fille ? » et il pointe du doigt.
- Après une discussion avec Scrap, Frankie observe énervé Danger qui regarde une bouteille d’eau.
- Big Willie se rend chez Frankie pour lui dire qu’il change de manager : il se tient la main et regarde ses pieds.
- Shawrelle humilié par Maggie donne un grand coup dans le sac que tient son équipier; celui-ci n’est cependant pas prêt et le prend pratiquement dans la figure.
- Big Willie refuse le massage de Frankie. Il lui parle de l’auto de sa femme. Frankie propose d’intervenir. Willie remercie en donnant une tape sur l’épaule de Frankie : le geste sonne un peu faux.
- Scrap se dispute avec Frankie au sujet de Willie à qui l’entraîneur n’a pas donné sa chance : il sort, jette les « mitaines » (pattes d’ours) et va s’asseoir au bord d’un ring en passant sa main dans les cheveux.
- Maggie, Frankie et le speed bag (la nuit après la victoire de Big Willie) : Frankie arrête à trois reprises le mouvement du speed bag, comme s'il essasyait d'arrêter les "assauts" verbaux de la jeune femme.
- Maggie s’est fait casser le nez : à l’hôpital, elle se lève pour accompagner l’infirmière. Frankie se lève aussi en disant « I’ll be right here » (« Je t’attends »). Scrap reste quant à lui assis. Frankie s’est « trahi » : il a montré qu’il se souciait de Maggie bien qu’il fasse semblant de lire son livre de Yeats. (Scrap lui demandera d’ailleurs immédiatement après : « Comment vas-tu ? — Moi ? Je ne suis pas le blessé ! » répondra Frankie).
- Visite à la famille de Maggie : la mère de Maggie refuse la maison que sa fille lui offre avec un grand geste des deux mains levées (« Pourquoi m’acheter une maison ? »). Maggie réplique : « Maintenant elle est à toi ! » en lui mettant les clefs en main.
- À l’hôpital à Las Vegas, Frankie découvre des escarres sur le bras de Maggie : son visage se crispe un court instant.
- À l’hôpital, Maggie demande à Frankie : « Boss. J’ai un service à vous demander ». Frankie répond « Bien sûr » et enlève ses lunettes dans un geste tout à fait naturel : elle lui fait sa demande. (Même procédé dans la chambre d’hôpital où Frankie lit un poème de Yeats : c’est au moment où il dit qu’il n’arrêtera jamais la boxe qu’il enlève ses lunettes et qu’il regarde à travers la fenêtre vers le lointain.)
Les gestes ont une grande importance au cinéma, même s'ils passent souvent inaperçus. En eux-mêmes, ils peuvent souvent paraître insignifiants, mais ils accompagnent, parfois de manière décisive, les propos ou les actions en cours.
Si, lorsqu'on est attentifs, l'on remarque facilement une multitude de ces petits gestes, il est en revanche souvent plus difficile de les interpréter. On ne considérera ici que le dernier exemple cité, celui où Frank retire ses lunettes en attendant la demande de Maggie : avec ses lunettes, Frankie apparaît comme un homme âgé pour qui la lecture (d'ouvrages en gaélique notamment) est comme une manière de prendre de la distance par rapport au monde qui l'entoure; retirer ses lunettes abolit d'une certaine manière cette distance et le met donc face à Maggie qui lui fait alors une demande terrible (mettre fin à ses jours). Le geste de Frankie, tellement naturel qu'il passe inaperçu, l'expose donc sans "défense" à cette demande.
© Les Grignoux - Michel Condé, 2006