Pas de séances programmées pour ce film dans nos salles pour l'instant.
Golden Globe 2020 de la meilleure actrice dans une comédie ou un film musical pour Awkwafina
Entre le mélo et la tragi-comédie, cet Adieu explore avec finesse et pudeur la profondeur de sentiments que l’on ne peut exprimer, à travers la mort prochaine d’une grand-mère à qui ses proches ne veulent rien annoncer. La réalisatrice Lulu Wang signe une belle étude des différences culturelles entre générations d’Américano-Chinois
Une histoire basée sur un mensonge réel, annonce un bref préambule, manière plutôt malicieuse de présenter cette histoire où une famille décide d’épargner à la grand-mère le diagnostic qui la condamne à plus ou moins brève échéance. Ne voulant pas gâcher le peu de temps qu’il lui reste, ils se mettent d’accord pour faire comme si de rien n’était. Comme ses enfants ne vivent plus tous en Chine, ils décident d’organiser un faux mariage pour l’un des petits-fils, amenant ainsi la famille à se réunir pour lui dire au revoir à sa manière. Mais ce qui a commencé comme un « petit » mensonge devient rapidement une tromperie bien plus élaborée…
Billi (l’actrice Awkwafina, révélation), depuis son Amérique quasi natale, est très proche de Nai-nai, sa grand-mère, avec laquelle elle correspond régulièrement via Skype. En visite chez ses parents, il faudra qu’elle leur tire les vers du nez avant de comprendre ce qui se joue, et qu’elle prenne finalement elle-même son billet pour la Chine, ceux-ci lui déconseillant de participer à la mascarade, estimant qu’elle « ne sait pas cacher ses émotions ». Alternant entre un ton pince-sans-rire et une mélancolie feutrée, la réalisatrice Lulu Wang prend le temps de peser et poser sa question éthique, celle d’une tromperie collective. Billi, élevée aux États-Unis, ne peut d’abord pas comprendre qu’on puisse mentir ; ses parents, oncles et tantes considérant quant à eux qu’il s’agit en fait de la seule bonne manière de voir partir quelqu’un. À cela s’ajoute une inconnue : jusqu’à quel point Nai-nai est-elle dupe de tout ce cirque, elle qui a agi précisément de la sorte à l’annonce du décès imminent de son mari ?
Derrière l’adieu à sa grand-mère, il y a aussi cet adieu au moins aussi profond à une image fantasmée de la Chine. Billi l’a quittée toute petite encore, mais a forgé son identité morcelée à travers elle, à cheval entre deux cultures. En choisissant la voie de l’euphémisme, du non-dit qui se fendille, du ténu qui en dit long, de la légèreté qui surgit derrière la douleur, L’adieu évite le tire-larme comme le rire gras. Ce qui rend l’ensemble d’autant plus fin et touchant.
CATHERINE LEMAIRE, LES GRIGNOUX
