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Une nuit de surchauffe au sein du service des urgences d’un hôpital public parisien… Catherine Corsini réussit l’alchimie parfaite entre une radiographie sociale pertinente, une tension dramatique à la limite du thriller et une comédie d’une irrésistible drôlerie
On se dit que c’est intenable, que ça va péter. Ce n’est pas possible autrement. Que ce soit la cocotte-minute sociale qui n’en finit pas de monter dangereusement en pression, que ce soit l’hôpital public, qui a depuis longtemps dépassé la limite de la rupture, que ce soit le couple de Rafaela qui y est en plein, lui, dans la rupture : ça tangue, ça craque, mais on continue de charger, encore et encore.
Nous sommes à Paris, au cours de l’hiver 2019. La vie politique et médiatique du pays est rythmée par les manifestations hebdomadaires du mouvement social protéiforme dit des « gilets jaunes » qui voit, semaine après semaine, la répression se muscler. Ce samedi-là, après une nuit d’insomnie passée à l’agonir d’insultes par textos, Rafaela (Valeria Bruni Tedeschi), épuisée, paniquée, ferait n’importe quoi pour que Julie (Marina Foïs) ne la quitte pas. Tellement n’importe quoi qu’en essayant de la retenir, elle se retrouve les quatre fers en l’air au beau milieu de la rue : et hop !, direction les urgences.
Ce samedi-là, Yann (Pio Marmai), routier précaire en déroute, gilet jaune de province, a détourné le camion de son patron et traversé la France pour grossir la foule des manifestants. Manque de bol, sa manif est écourtée par la déflagration d’une grenade qui lui déchiquète la jambe : et hop !, direction les urgences.
Ce samedi-là, Kim (Aïssatou Diallo Sagna), infirmière, prend justement son service aux urgences, enchaînant sa énième garde à l’hôpital…
Le film, plongée en apnée dans un service engorgé par l’afflux de blessés qui viennent se rajouter à la cohorte des accidents, des bobos, des drames quotidiens, est un tourbillon incessant, qui file de salles d’attente engorgées en salles de soin où l’on répare à flux tendu, le long de couloirs où se pressent des tas de brancards mis en attente… Là, la rencontre improbable entre le camionneur provincial et la dessinatrice bourgeoise parigote va produire son lot d’étincelles. L’interprétation est impeccable, on est bluffé par Aïssatou Diallo Sagna, véritable infirmière, qui donne au personnage de Kim toute sa force et tout son engagement. Quant à Valeria Bruni Tedeschi, sur qui repose de bout en bout tout le comique du film, elle est impériale, en permanence au bord de la sortie de route.
À rebours du discours médiatique dominant faisant état des fractures prétendument irréparables de la société, Catherine Corsini propose une réponse d’une évidente simplicité, à base de rencontre, d’écoute et de dialogue pour vaincre les préjugés. Vous l’aurez compris : c’est formidable !
