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Faisant rimer braquage, marivaudage et décalage pour colorer l’automne du cinéma d’une sacrée touche humoristique, cette comédie française mélange les genres pour toujours plus d’action, de burlesque et de sentiments profonds. C’est jubilatoire et généreux !
Quand Abel apprend que sa mère, Sylvie, la soixantaine, est sur le point de se marier avec un homme en prison, il panique. Épaulé par Clémence, sa meilleure amie, il va tout faire pour essayer de la protéger. Mais la rencontre avec Michel, son nouveau beau-père, pourrait bien offrir à Abel de nouvelles perspectives...
Acteur-référence du cinéma français d’auteur contemporain (chez Christophe Honoré, Maïwenn et Valeria Bruni-Tedeschi, en tête), sombre, élégant et drôle dans un même élan, Louis Garrel mène parallèlement une carrière de réalisateur. Avec son quatrième film, il prend tout le monde par surprise et arrive là où on ne l’attendait pas vraiment, dans le registre de la comédie décomplexée qui convoque d’autres genres (polar et film de famille) et dont il dompte les codes avec élégance et ambition. L’Innocent est en quelque sorte un feel good movie d’auteur, un prototype assez expérimental, qui devrait être consacré au box-office, le genre de productions qui a toutes les clés pour fédérer un public plus large que les cinéphiles.
Comme dans toute bonne comédie, le casting réunit des comédiens dont le jeu physique et la capacité à désarçonner dans un créneau qui demande d’y aller franco dans la déconne et les émotions fortes ne tombent jamais dans la surenchère et le ridicule. Au contraire, on les aime beaucoup et on n’a pas envie de les lâcher. C’est un véritable travail d’équilibriste que réussit merveilleusement un cinéaste frondeur dont le plaisir de mettre en scène est communicatif d’un bout à l’autre. Son film joue de la bascule en permanence, n’est jamais éteint ni en mode mineur. Il brille en permanence de mille feux car l’aventure, c’est bien connu, mérite chaque fois d’être vécue en-dehors du cadre, dans l’ivresse de l’émotion pure. C’est un film culotté qui s’autorise à prendre tous les risques, à mélanger une forme de violence et de virilité (milieu carcéral, braquage) avec la fragilité de rapports humains, à raconter une déchirante histoire d’amour au milieu d’un projet de cambriolage, le tout soutenu par une bande originale qui assume, à fond, ses références à la variété française (Herbert Léonard, carrément) et qui ne laissera personne de marbre, on vous le garantit.
L’Innocent est l’œuvre d’un réalisateur-cinéphile (Hitchcock et les polars vintage des années 1970) qui fond ses références dans l’ensemble de façon justifiée car ludique. C’est un film qui file à du cent à l’heure, le cœur des personnages battant la chamade pour plein de raisons qu’il serait trop long d'expliquer ici et qui s’expriment surtout si joliment à l’écran, porté par une mise en scène soignée qui en fait un très bel objet de cinéma, la marque d’un cinéaste libre et inventif. Louis Garrel prouve, au passage, qu’il est encore possible, en France, de réaliser des films drôles qui ne sont pas ridicules, bassement vulgaires et télévisuels. C’est formidable.
NICOLAS BRUYELLE, les Grignoux
